TOUT COMPRENDRE. Loi immigration: comment fonctionne la commission mixte paritaire, chargée d'aboutir à un compromis?

Le gouvernement cherche un consensus. Ce mardi 12 décembre, l'exécutif a annoncé la voie choisie pour trancher l'avenir du projet de loi immigration, au lendemain d'une motion de rejet assenée par l'Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire devra décider "au plus vite" de l'avenir du texte. Explications.

• Qu'est-ce que c'est?

La commission mixte paritaire (CMP) est la réunion d'un groupe de 7 députés et de 7 sénateurs tâchés d'aboutir à une version commune d'un projet de loi. Dans le déroulé classique de la fabrique législative, l'Assemblée et les sénateurs votent chacun de leur côté une version amendée d'un texte. Cette CMP permet un projet de loi unique.

Ce procédé permet en théorie d'accéder à des compromis en cas d'écart important entre les deux chambres ou au sein de l'une d'elles. Une nécessité d'entente soulignée ce mardi par le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

"On ne peut pas gagner tout seul à l'Assemblée nationale, on cherche ce compromis, on appelle l'ensemble des forces politiques à mettre de côté leurs différences".

• La CMP peut-elle ne pas aboutir à un accord?

Une fois la commission formée, deux scénarios peuvent se dessiner. Premier scénario: ses membres réussissent à se mettre d'accord sur un texte. Celui-ci est donc soumis séparément aux députés et aux sénateurs pour un vote. Et, à ce stade, seul le gouvernement pourrait modifier le texte.

Depuis le début de la Ve République en octobre 1958, deux commissions mixtes paritaires sur trois ont abouti à un accord, dont celle convoquée lors de la réforme des retraites.

Autre hypothèse, une CPM non-conclusive, dans le cas où les parlementaires n'arriveraient pas à se mettre d'accord sur un texte unique. Dans ce cas-là, le texte doit repartir à l'Assemblée nationale. Un retour à la case départ. Dans le cas du projet de loi immigration, alors que le gouvernement a déjà été sanctionné d'une motion de rejet, ce scénario serait gênant.

• Qui compose la CMP?

Ce sont 7 députés et 7 sénateurs qui seront mandatés au sein de cette commission. Ils sont sélectionnés en fonction de différents critères. Le premier: l'équilibre des forces politiques. Les membres doivent être représentatifs des groupes dans les deux chambres.

Pour l'Assemblée, les députés de la majorité disposent de trois sièges pour le groupe Renaissance, un siège pour le Modem. Les Républicains, le Rassemblement national et La France insoumise disposent d'un siège chacun.

Côté Sénat, Les Républicains détiennent trois sièges, tandis que le groupe socialiste en détient deux. Renaissance et les centristes, eux, disposent d'un siège chacun. Une composition identique au groupe ayant travaillé sur la réforme des retraites.

• Quand seront connus les membres ?

L'identité exacte des membres devrait être prochainement publiée au Journal officiel de la République. Mais certains noms peuvent déjà être mis en avant. Seront probablement présents:

Sacha Houlié, le président de la commission des lois à l'Assemblée (Renaissance), Florent Boudié, le rapporteur du projet de loi Renaissance, François-Noël Buffet, le président de la commission des lois au Sénat (Les Républicains). Et, enfin, Muriel Jourda ou Philippe Bonnecarrère, les rapporteurs du projet de loi au Sénat (Les Républicains). Le Rassemblement national a déjà nommé de son côté Yoann Gilet.

• La solution incertaine à la crise?

En rejetant directement le projet de loi immigration, les députés ont jeté un pavé dans la mare politique. Si la Commission mixte paritaire est censée aboutir à un texte de compromis, deux facteurs pourraient poser problème.

D'abord, le texte d'origine. Les 14 parlementaires vont travailler avec, comme base, le projet remanié par le Sénat et considérablement durci. Un texte que les députés avaient repris lors de leur propre commission.

Autre problème potentiel: le texte final. Les parlementaires de droite ayant un plus grand poids dans la CMP, le résultat pourrait finalement pencher à son tour. Ce texte pourrait certes permettre d'obtenir les voix des Républicains, voire du Rassemblement national... Mais aussi diviser la majorité. En effet, avec un texte plus dur, la majorité présidentielle pourrait se déliter, notamment en perdant le soutien d'une aile gauche à modérée.

Au final, ce feuilleton pourrait aboutir à un nouveau rejet du texte par l'Assemblée nationale. Le gouvernement pourrait également décider de faire un nouvel usage de l'article 49.3 de la constitution pour s'éviter cette question.

Article original publié sur BFMTV.com