TOUT COMPRENDRE - Erdogan menacé? Les enjeux de l'élection présidentielle en Turquie

Cela fait près de deux décennies qu'il règne sur la Turquie. Le président sortant, Recep Tayyip Erdogan, est plus que jamais menacé par le leader de l'opposition alors que 64 millions d'électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle turque.

Les bureaux de votes, qui ont ouvert tôt ce matin, doivent fermer à 16 heures, heure française. Les premières estimations sont attendues vers 20 heures.

· Erdogan en route vers un troisième mandat?

Arrivé au pouvoir en 2003, le dirigeant islamo-conservateur rêgne depuis près de deux décennies sur le pays. Souvent accusé de dérive autoritaire ces dernières années, Recep Tayyip Erdogan s'est peu à peu attelé à concentrer les pouvoirs, museler la dissidence et emprisonné ses opposants politiques, comme le dénoncent régulièrement ONG et associations.

Il est également accusé d'avoir repris en main les secteurs des médias, de la justice et de l'économie. C'est la première fois qu'il semble vraiment menacé. L'autocrate a néanmoins promis de respecter le verdict des urnes, surveillées par des centaines de milliers de scrutateurs des deux camps, dont il a toujours tiré sa légitimité.

"Nous sommes arrivés au pouvoir par la voie démocratique, avec le soutien de notre peuple: si notre nation prend une décision différente, nous ferons ce que la démocratie exige", a-t-il assuré.

· Qui affronte le président sortant?

Trois candidats se disputent ce dimanche la présidentielle, parmi lesquels deux se démarquent: à savoir Recep Tayyip Erdogan et Kemal Kiliçdaroglu. Économiste de formation, ce dernier est un ancien haut-fonctionnaire de 74 ans qui dirige le Parti républicain du peuple (CHP), une mouvance sociale-démocrate.

S'il est élu, Kiliçdaroglu promet de rompre avec l'héritage d'Erdogan. Il s'est engagé à continuer à payer ses factures d'eau et d'électricité, et à ne pas emménager dans le fastueux palais présidentiel aux 1100 pièces bâti par son prédécesseur. Il souhaite retourner à Çankaya, résidence historique des présidents turcs, lui qui est né dans une famille modeste de la province d'Esrim.

Longtemps vu comme un politicien sans charisme, il a progressivement gagné en popularité lors de sa campagne. Un troisième candidat, Sinan Ogan, est crédité de quelques points.

· Une réelle menace pour Erdogan?

C'est la première fois que le président turc semble réellement menacé. Les derniers sondages laissent présager une course très serrée entre les deux prétendants, avec un léger avantage pour Kemal Kiliçdaroglu. En visite dans un quartier populaire samedi, le président et candidat Erdogan a promis de "donner une bonne leçon à ceux qui veulent diviser le pays". Il a fait huer son adversaire en affirmant à la foule: "Nous sortirons renforcés des urnes".

Et pour cause, le leader de l'opposition présente pour la première fois un front uni: il emmène une coalition de six partis balayant large, de la droite nationaliste au centre-gauche libéral; il a en outre reçu le soutien du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.

En 2018 lors de la dernière élection présidentielle, le chef de l'État l'avait emporté au premier tour avec plus de 52,5 % des voix. Un ballotage, qui obligerait à un second tour le 28 mai, constituerait donc déjà pour lui un revers. Depuis 2014, il est systématiquement reconduit au premier tour de la présidentielle.

· Dans quel contexte s'inscrit le scrutin?

Erdogan se présente à sa réélection dans un pays usé par une crise économique, avec une monnaie dévaluée de moitié en deux ans et une inflation qui a dépassé les 85% à l'automne. Avant l'élection, la crainte de dérapages violents était présente dans les grandes villes du pays après une série d'incidents survenue dans la dernière ligne droite d'une campagne ultra-polarisée.

Le séisme du 6 février dernier, qui a vu des dizaines de milliers de bâtiments s'effondrer et causé la mort d'au moins 50.000 personnes, a aussi mis en lumière la corruption des entrepreneurs et celle des autorités qui ont délivré des permis de construire au mépris des règles antisismiques.

C'est justement sur la puissance du secteur de la construction, dont il fait valoir les grandes réalisations qui ont modernisé la Turquie, qu'Erdogan avait appuyé son succès au cours de sa première décennie au pouvoir, d'abord comme Premier ministre.

Article original publié sur BFMTV.com