TOUT COMPRENDRE - Donald Trump inéligible dans deux États: ce que ça change pour la présidentielle de 2024

Un camouflet, mais pas un échec définitif en vue de 2024. L'ancien président républicain des États-Unis, Donald Trump, a été déclaré jeudi 28 décembre inapte à la fonction de président par l'État du Maine, après qu'une décision similaire a été prise dans le Colorado, en vue de la présidentielle 2024.

De quoi interroger sur l'avenir politique de Donald Trump. Pour autant, ces décisions restent suspendues à l'heure actuelle.

• Qu'a exactement été statué pour Trump?

Jeudi, l'État du Maine a estimé, après le Colorado, que Donald Trump n'était "pas apte à la fonction de président" au titre du 14e amendement de la Constitution américaine. Cette dernière exclut de toute responsabilité publique les personnes s'étant livrées à des actes d'"insurrection".

Concrètement, cela signifie que le nom de l'ancien président ne devrait pas pouvoir figurer sur les bulletins de vote des primaires républicaines du Maine et du Colorado.

Pour autant, la décision prise dans le Colorado a été suspendue jusqu'au 4 janvier prochain, soit jusqu'à la veille de la date butoir à laquelle doit être délivrée la liste finale des candidats à la primaire républicaine du Colorado. Dans le Maine, la secrétaire d'État a annoncé que la décision serait également "suspendue" en cas de contestation judiciaire, une éventualité très probable.

Ces décisions ne portent que sur les primaires républicaines des deux États concernés. Actuellement, Donald Trump peut encore figurer parmi les candidats dans les deux États concernés.

• Pourquoi cette décision dans le Maine et le Colorado?

L'ex président se voit porter la responsabilité de l'assaut du Capitole, siège du Congrès américain, le 6 janvier 2021. La secrétaire démocrate de l'État du Maine Shenna Bellows estime, en effet, que l'assaut a été commis "sur ordre, en toute connaissance et avec le soutien du président sortant", dit-elle dans un document officiel.

"C'est une décision extraordinaire et sans précédent", souligne le professeur de droit à l'université de droit Notre Dame dans l'Indiana et spécialiste des lois électorales Derek Muller cité par CNN.

Jamais auparavant un candidat à la présidentielle n'a été rayé des listes de candidats à une présidentielle au titre du 14e amendement de la Constitution. Ce dernier a été ratifié peu après la guerre de Sécession au 19e siècle et est ensuite longtemps resté en désuétude.

• D'autres États pourraient-ils suivre?

Au moins 15 autres États américains ont lancé des procédures pour barrer la route au grand favori des primaires républicaines, selon des données collectées par le site Lawfare, spécialisé dans les questions de sécurité nationale.

Selon le professeur de droit à l'Université de l'Illinois Steven Schwinn, la décision du Colorado pourrait "déclencher une réaction en chaîne", explique-t-il auprès de l'AFP. "Cette décision va permettre à d'autres juges et Cours suprêmes des États de se sentir un peu plus habilités de statuer contre Donald Trump dans ces procédures", avançait-il, alors que le Maine n'avait pas encore statué sur cette question.

Pour autant, d'autres États, comme le Michigan et le Minnesota, ont été consultés sur le sujet et ont statué que Donald Trump pouvait bien être candidat.

• Cette décision peut-elle être contestée?

Pas question pour le camp de Donald Trump d'accepter la décision sans rien faire. Le parti républicain a déjà fait appel de cette décision et le porte-parole de l'ancien locataire de la Maison Blanche a annoncé que l'homme d'affaires avait l'intention de contester lui aussi la décision en justice.

La décision ne peut pas être directement portée devant la Cour suprême des États-Unis, elle doit d'abord passer devant le tribunal de première instance du Maine.

Pour Nick Akerman, ancien procureur du Watergate, cette affaire d'espionnage politique qui a éclaté aboutit à la démission du président Richard Nixon en 1974, la décision "devrait" pour autant "être décidée par la Cour suprême". "Cette décision n'affecte pas uniquement le Colorado. Elle concerne les 50 États (américains)", justifie-t-il, auprès de CNN.

• Que va décider la Cour suprême?

A-t-elle des chances d'être validée par la Cour suprême? Les experts sont divisés. "Mon instinct me dit que la Cour suprême va renverser la décision (du Maine et du Colorado), mais ce n'est pas certain", juge Derek Muller auprès de Newsweek.

L'ancien procureur fédéral Neama Rahmani partage le même avis. "Les juges de la Cour suprême du Colorado ont tous été nommés par les gouverneurs démocrates. Ce ne sera pas la même chose devant la Cour suprême conservatrice des États-Unis", note-t-il. Il ajoute que Donald Trump n'a "pas été poursuivi, et encore moins reconnu coupable, d'insurrection".

La procureure fédérale Colleen Kerwick estime par ailleurs que la Cour suprême pourrait statuer trop tardivement sur cette affaire, après que Donald Trump a été élu président en novembre prochain, étant donné les "questions légales complexes" qui seront soulevées.

• La campagne présidentielle de Trump est-elle menacée?

Tant que la Cour suprême n'a pas statué sur la candidature de Donald Trump, chaque État américain est libre de suivre la décision du Maine et du Colorado ou de permettre à l'homme d'affaires d'être candidat.

Le professeur de droit Derek Muller estime cependant que ces décisions "mettent toute la campagne électorale de Trump en grave danger sur le plan juridique".

Pour autant, le Colorado, largement démocrate, n'est pas considéré comme crucial pour Donald Trump dans la course à la Maison Blanche. L'homme d'affaires avait réussi à remporter la présidentielle en 2016 sans remporter cet État. Il s'était en revanche imposé dans le Maine.

Du côté des électeurs, les sondages restent favorables à Donald Trump, toujours donné comme large favori pour le scrutin de novembre devant le président Joe Biden. Quoi qu'il arrive dans les prochaines semaines, pour Derek Muller, l'homme d'affaires ne se laissera pas abattre. "Il ne fait aucun doute qu'en cas de décision judiciaire défavorable, Trump en fera un discours de campagne", estime-t-il auprès de CNN.

Article original publié sur BFMTV.com