Commission d'enquête sur les crèches: un système "à bout de souffle"

Le projet de rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les crèches, soumis à un vote lundi, fait le constat d'un système "à bout de souffle" (FREDERICK FLORIN)
Le projet de rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les crèches, soumis à un vote lundi, fait le constat d'un système "à bout de souffle" (FREDERICK FLORIN)

Le projet de rapport de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les crèches, soumis à un vote lundi, fait le constat d'un système "à bout de souffle", selon sa rapporteuse Sarah Tanzilli sur fond de dissensions avec LFI qui l'accuse de ménager le secteur privé lucratif.

"Complexité kafkaïenne, sous-financement chronique, insatisfaction des usagers et des personnels, multiplication des dérogations: le système d’accueil des jeunes enfants en crèche est à bout de souffle", observe la députée Renaissance.

"Les travaux ont démontré que les défaillances identifiées n’étaient pas la conséquence de l’ouverture du secteur des crèches au secteur privé ou de l'influence des fonds d'investissement", a précisé l'élue du Rhône à l'AFP. "C'est le modèle économique et les règles de fonctionnement des crèches qui ont contribué à établir un cercle vicieux de la défaillance".

Le rapport doit être soumis lundi après-midi au vote de la Commission, où siège l'ensemble des groupes de l'Assemblée.

Après la parution en septembre de deux livres-enquêtes mettant en cause les crèches privées, "Le prix du berceau" et "Babyzness", LFI avait obtenu en novembre, contre l'avis des groupes LR et Renaissance, la création de cette commission chargée d'enquêter sur le modèle économique des crèches et la qualité d'accueil du jeune enfant. Le vice-président LFI William Martinet a indiqué à la presse qu'il publierait un contre-rapport.

Les pouvoirs publics ont mis l'accent sur la quantité de places plutôt que la qualité d'accueil, selon Mme Tanzilli. "Un cercle vicieux de la défaillance" s'est installé: face au manque de personnel, les pouvoirs publics ont "allégé les taux d'encadrement". Le financement incite à "accueillir le plus d'enfants possible" dans une crèche.

Cela dégrade les conditions de travail et pousse les professionnelles à quitter le métier. Avec in fine moins de berceaux: 10.000 places sont "gelées" en France faute de personnel, explique Mme Tanzilli.

- Crèches privées -

Selon elle, des problèmes liés à la qualité d'accueil s'observent partout, dans le privé (un quart des quelque 500.000 places) comme dans le public (la moitié) ou l'associatif (un quart).

Pour William Martinet au contraire, "les travaux ont fait la démonstration des effets néfastes des crèches privées lucratives": 93% des 26 fermetures administratives de crèches en 2023 ont eu lieu chez des gestionnaires privés lucratifs, avait-il indiqué la semaine dernière.

Selon Sarah Tanzilli, les auditions ont montré que "les fonds d'investissement n'ont pas un modèle basé sur la rentabilité à court terme ou le versement de dividendes à leurs actionnaires".

"Le modèle économique de ces fonds inclut la qualité d'accueil pour pouvoir croître", dit-elle, soulignant les déboires du groupe privé People & Baby depuis la mort d'un enfant dans une microcrèche à Lyon en 2022.

Les crèches privées ont fourni 90% des nouvelles places en dix ans.

"Le rapport démontre que le secteur privé n’est pas responsable de la dégradation de la qualité d'accueil et que l’ensemble des crèches ont besoin d’une reforme globale du subventionnement public", estime lundi la FFEC, la Fédération française des entreprises de crèches (privées).

- Pas de moyens -

Parmi les pistes évoquées par la rapporteuse: ramener le taux d'encadrement à un adulte pour cinq enfants (un pour six ou sept actuellement) d'ici 2027, et un pour quatre pour 2032.

"De belles promesses sans moyens pour augmenter les salaires et donc qui ne verront jamais le jour", grince William Martinet.

Passer de un adulte pour six enfants à un pour cinq équivaut à 25.000 professionnels supplémentaires, pour un coût d'un milliard d'euros par an, ou à fermer 70.000 places, explique à l'AFP Elsa Hervy, déléguée générale de la FFEC.

La rapporteuse propose en outre de supprimer le mécanisme de réservation de berceaux par les employeurs, qui crée un "coupe-file" pour leurs employés. La commune doit devenir l'interlocuteur unique des parents, soutenue par un "versement petite enfance" imposé aux employeurs.

"Un nouvel impôt payé par tous les salariés", selon la FFEC, qui estime que cette mesure aboutirait à détruire 150.000 places de crèches actuellement financées par les réservations des employeurs.

Alors que manquent 200.000 places d’accueil du jeune enfant, fournir des "solutions fiables" aux familles pour qu'elles aient autant d'enfants qu'elles le souhaitent peut aider à contrer la chute de la natalité (-7% en 2023), estime Mme Tanzilli.

cac/fmp/lbx