Coca-Cola peut-il vraiment être partenaire des « JO les plus durables de l’Histoire » ?

Coca-Cola peut-il vraiment être partenaire des « JO les plus durables de l’Histoire » ?
Coca-Cola peut-il vraiment être partenaire des « JO les plus durables de l’Histoire » ?

Le greenwashing, cette pratique qui consiste à se forger une image écoresponsable sans agir comme tel pour autant, est au cœur de l’organisation des prochains Jeux Olympiques, qui se tiendront à Paris en 2024.

JEUX OLYMPIQUES - À quatre cents jours des Jeux Olympiques de Paris 2024, on connaît déjà l’un des médaillés de la catégorie « greenwashing » : Coca-Cola. Ce vendredi 16 juin, l’entreprise de sodas organisait au salon Vivatech une table ronde sur les mesures prises pour parvenir à des Jeux Olympiques plus durables. Des responsables des JO Paris 2024, ainsi que des représentants de la Mairie de Paris étaient au rendez-vous.

Dès la candidature de la capitale, ces derniers annonçaient des mesures drastiques mises en place pour limiter l’impact écologique des Jeux. À commencer par les infrastructures, avec la réhabilitation de complexes sportifs déjà existants, et l’assurance que les nouvelles constructions ne seront pas abandonnées après la compétition sportive. Mais les entreprises doivent elles aussi contribuer à ces Jeux « les plus durables ».

Pour Coca-Cola, l’un des principaux sponsors de l’évènement, c’est le moment idéal pour proposer des initiatives « vertes ». Et l’entreprise américaine, partenaire historique des jeux depuis près d’un siècle, ne s’en est pas privée : mise à disposition de fontaines à eaux et à sodas, pour éviter les emballages individuels, possibilité de consigner les bouteilles en verre, et enfin usage de bouteilles en plastique soit déjà recyclée, soit recyclable.

Des décisions qui collent parfaitement avec l’un des leitmotiv de la mairie de Paris pour ces jeux : « Offrir aux visiteurs et aux Parisiens une célébration du sport sans plastique à usage unique pour la boisson et la restauration ». Tout va donc pour le mieux...si l’on oublie la forêt qui se cache derrière l’arbre.

Trente-cinq litres d’eau pour un demi-litre de Coca

Avec ces 200 000 bouteilles en plastique produites par minute (soit 105 milliards par an), l’entreprise au logo rouge se plaçait en tête du classement de la pollution plastique réalisé en 2021 par l’association Break Free From Plastic. Les Jeux Olympiques de Londres en 2012, où Coca-Cola proclamait déjà avoir participé aux JO les plus propres jamais organisés, n’auront donc pas vraiment eu d’effet vertueux.

Le recyclage, vanté à l’époque comme il l’est aujourd’hui, est d’ailleurs une solution très énergivore : recycler, soit fondre le plastique pour le remodeler, cela n’est pas la même chose que réutiliser. « Le recyclage doit rester la solution de dernier recours, car le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas » a ainsi rappelé au HuffPost Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer chez l’association Zero Waste France.

Pas de miracle donc sur le plan des déchets, mais Coca-Cola, c’est aussi une exploitation intensive des ressources en eau : il en faut trente-cinq litres pour produire un demi-litre de boisson, selon une enquête interne réalisée en 2011. Des pratiques qui sont donc bien loin d’être en accord avec l’impulsion plus durable promise, surtout en cette période de sécheresse.

Face à l’énormité de ces chiffres, Coca-Cola est-il pris en flagrant délit de greenwashing avec ses mesures « vertes » aux JO ? Le géant n’en serait pas à son coup d’essai.« Coca-Cola est une habituée de ce genre de pratiques, comme on l’a vu lorsque l’entreprise a sponsorisé la COP27 en novembre 2022 », rappelle Charlotte Soulary. Plusieurs associations en faveur de l’environnement et de la santé, comme Greenpeace ou Action contre la faim s’étaient alors insurgées, se demandant comment une entreprise aussi polluante pouvait sponsoriser une conférence internationale sur le climat.

Dans le cas des JO 2024, organisés par la ville de Paris et le comité olympique, la survie de la planète n’est pas le coeur du sujet. Mais le partenariat de la firme américaine ne pose pas moins une question de cohérence. « Le problème, c’est que la Mairie de Paris proclame organiser des Jeux verts et mettre fin au plastique à usage unique, pour derrière s’associer avec Coca-Cola ». Rappelons que la Mairie de Paris avait refusé le partenariat proposé par Total, à l’occasion de ces mêmes Jeux, au motif de l’énorme empreinte carbone du groupe pétrolier français.

« Il n’y aura pas de Jeux Olympiques 2024 écolos »

Comment surmonter cette contradiction ? Interrogée par Le HuffPost, Antoinette Guhl, élue écologiste à la Mairie de Paris, casse le suspens d’entrée de jeu : « Il n’y aura pas de Jeux Olympiques 2024 écolos ». Elle explique en effet que « c’est le système même des JO qui n’est pas conçu pour être écologique, puisqu’il repose sur la société de consommation ».

La lourde machinerie des Jeux, avec seize millions de visiteurs attendus, engendrera de toutes façons un coût carbone important, avec par exemple de nombreux trajets en avion. Organiser les Jeux implique également de prendre en charge un événement très coûteux (l’addition des JO de Londres en 2012, à titre d’exemple, était de dix milliards d’euros), d’où la nécessité d’avoir des sponsors. Mais ces marques en profitent pour inciter à la consommation et utilisent l’image des Jeux pour améliorer la leur.

Pour autant, il n’y avait pas de fatalité, soutient Antoinette Guhl. La Mairie de Paris a un droit de regard sur ses sponsors, et « aurait largement pu organiser des JO sans Coca-Cola » explique-t-elle. Et même en maintenant ce partenariat, Charlotte Soulary indique que « la Mairie de Paris aurait pu insister auprès de Coca-Cola pour que ce soit vraiment zéro déchet : des Jeux sans aucun plastique à usage unique, avec uniquement les fontaines et les consignes auraient été faisables. »

Mais le tournant n’a pas été pris, et les JO 2024 ne seront pas ceux du retrait du géant américain des boissons sucrées, loin s’en faut. La mairie de Paris, elle, vante désormais sur son site officiel les solutions proposées par Coca-Cola. Quitte à prêter le flanc aux accusation de greenwashing. Un processus que résume Antoinette Guhl en quelques mots : « Il y a eu beaucoup d’hypocrisie ».

VIDÉO - 5 choses à savoir sur Coca-Cola