CNR, conférence sociale... Pourquoi Macron joue la carte de la concertation, au risque de décevoir
Les consultations s'enchaînent et se ressemblent en macronie. Entre le Conseil national de la refondation relancé ce jeudi pour "bâtir des consensus nationaux", des groupes de travail avec les chefs de partis après les rencontres de Saint-Denis et une conférence sociale à venir, Emmanuel Macron joue tous azimuts la carte du dialogue. Au risque de décevoir sans réalisation concrète.
"C'est bien de consulter, d'écouter les gens qui ne sont pas d'accord avec nous mais à la fin, il faut décider. Sinon, ça ne sert à rien", résume le député macroniste Éric Woerth auprès de BFMTV.com.
"Pas voulu travailler avec nous"
Si certains affichent leur scepticisme dans le camp présidentiel, c'est que ces instruments de consultation n'ont pas toujours fait leurs preuves ces derniers mois, voire ont même franchement tourné au fiasco, à l'instar du Conseil national de la refondation.
Lancé en grande pompe par le président en plein campagne des législatives, l'initiative qui pouvait aller "jusqu'à soumettre à référendum des propositions qui en sortiraient" a fait flop.
Cet organe pensé pour réunir "les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort" autour de la même table", n'a jamais vraiment décollé. Le président avait pourtant mouillé la chemise, sans parvenir à empêcher son boycott par une partie des forces politiques.
"Certains partenaires n'ont pas voulu travailler avec nous en bonne intelligence, nous empêchant d'avoir des pistes de travail robustes", tance ainsi un proche d'Emmanuel Macron.
"Pour quoi faire ?"
On peut douter que l'ambiance soit meilleure ce jeudi. Les syndicats ont déjà annoncé boudé l'initiative. "Un CNR pour quoi faire?", s'est même interrogée Sophie Binet, la nouvelle patronne de la CGT auprès de l'AFP.
"On nous parle de ça et dans dans le même temps, la Première ministre annonce qu'elle va continuer à recourir au 49.3 et que le président de la République refuse d'organiser un référendum sur les retraites", s'est agacée la syndicaliste.
"C'est frustrant, ça donne surtout l'impression de se faire utiliser"
Même topo pour les rencontres de Saint-Denis la semaine dernière. Pour cette "initiative politique d'ampleur", le président a réussi le tour de force de réunir autour d'une même table pendant 12 heures les chefs de tous les partis. Une gageure dans un contexte de relations très tendues avec La France insoumise sur fond de majorité relative à l'Assemblée nationale.
Mais, si le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a évoqué "un moment qui pourrait bien marquer l’histoire politique voire démocratique de notre pays", les oppositions n'ont pas caché leur scepticisme. Même parmi ceux qui soutiennent le chef de l'État, certains font la grimace.
"Le président a parlé, c'est bien, mais il donne rendez-vous pour qu'on se reparle à nouveau sans jamais dire sur quoi tout cela va bien déboucher. C'est frustrant, ça donne surtout l'impression de se faire utiliser", regrette un participant de la rencontre de Saint-Denis.
"Mais je comprends bien le but. Le quinquennat a du mal à décoller, on est en attente des résultats des mesures lancées. Il faut bien occuper le terrain", avance encore ce président de parti.
"Des gens en face qui refusent la main tendue"
La gauche a, elle déjà, ouvert la porte à un éventuel boycott en dépit du courrier adressé par l'Élysée à tous les participants de Saint-Denis. Cette lettre publié ce jeudi n'annonce rien de concret. On peut y lire que le président souhaite faire "une proposition" sur le sujet d'un référendum "pour poursuivre les échanges" lors d'une "prochaine rencontre".
"Le problème de la concertation, c'est que, si vous avez en face de vous des gens qui refusent la main tendue, vous ne pouvez rien faire, rien n'en sort. Nos opposants disent 'non' à toute tentative de créer du commun", critique Laurent Marcangeli, le président des députés Horizons.
Le dirigeant, lui, persiste et signe. En octobre prochain, se tiendra une conférence sociale sur les bas salaires, déjà annoncée en mars dernier, avant d'être relancée lors de la rencontre de Saint-Denis.
Après les retraites, une conférence sociale qui "fait du bien"
Si l'initiative reste limitée - les discussions ne porteront que sur les bas salaires inférieurs au SMIC -, elle a été saluée par les syndicats.
"Après la réforme des retraites qui a cassé tout le lien avec eux, ça fait du bien de voir qu'on ouvre un nouveau chantier, qu'on va remettre du lien. Et puis ça montre qu'on cherche une solution aux problèmes des fins de mois", se félicite également un député Renaissance, spécialiste des sujets liés au travail.
Faut-il voir dans toutes ces consultations un changement profond de philosophie pour le chef de l'État? Lors de ses premières années à l'Élysée, le président n'avait guère semblé enclin au dialogue social.
"Je ne sais pas s'il existe d'autres façons de faire"
"On a besoin de corps intermédiaires mais à la bonne place", avait affirmé très clairement pendant la campagne de 2017 celui qui était alors candidat dans les colonnes du Parisien.
Depuis, les Gilets jaunes sont passés par là, suivis du grand débat, puis de la convention citoyenne sur le climat.
"Je ne sais pas si c'est les grandes consultations sont la meilleure façon de réparer la démocratie mais je ne sais pas non plus s'il existe vraiment d'autres façon de faire", résumait le député macroniste Robin Reda quelques jours avant Saint-Denis.
"Il ne perd rien à faire croire qu'il essaie"
Un conseiller ministériel est, lui, plus cynique et y voit davantage un calcul présidentiel.
"Je doute que Macron croie vraiment dans ces grandes messes. Mais comme il sait que de toute façon, ça va échouer, il ne perd rien à faire croire qu'il essaie", décrypte ce familier des allées du pouvoir.
L'Élysée dit de son côté "toujours chercher des voies de consensus pour revivifier la démocratie et, à la fin, faire en sorte que les gens vivent mieux".