Quand Clemenceau était scénariste
« Voir ou ne pas voir, telle est la question ! » C'est en imitant Shakespeare, avec un accent qu'on imagine mélodramatique, que Georges Clemenceau résumait l'intrigue de sa pièce de théâtre Le Voile du bonheur, créée le 4 novembre 1901 sur la scène du théâtre de la Renaissance à Paris. Cette fable orientaliste mettant en scène un personnage de poète aveugle qui recouvre la vue grâce à un philtre magique, mais finit par se crever les yeux pour ne pas être confronté au spectacle d'un monde qui le déçoit, avait fait l'événement à l'époque. Au point que le cinéaste Albert Capellani (1874-1931) avait immédiatement proposé à son auteur d'adapter ce texte au cinéma.
Affiche de la première version du Voile du bonheur de 1910, mis en scène par Albert Capellani. Abel Gance sera approché en 1919 pour en faire un remake. © BNF Interprété par la vedette du moment, Henry Krauss (1866-1935), habitué à donner la réplique à Sarah Bernhardt, ce personnage de mandarin désabusé recherchant la lumière, avant d'y renoncer, était-il un alter ego désabusé de Georges Clemenceau comme le suggérèrent alors certains critiques ? Ce personnage de Tchang est-il vraiment un double du Tigre ? Si l'homme politique, comme ce brave écrivain de Pékin, dut faire face en plusieurs occasions à la trahison de ses pairs, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, il n'eut en revanche jamais à se plaindre de l'inconduite de sa femme ou de son fils comme dans ce scénario !