Classée à l'Unesco, détruite sous Staline... Quelle est cette cathédrale bombardée à Odessa?

Classée à l'Unesco, détruite sous Staline... Quelle est cette cathédrale bombardée à Odessa?

Un dôme majestueux assorti d'un clocher, des dorures éclatantes contrastant avec un marbre d'un blanc immaculé... La cathédrale de la Transfiguration se dressait fièrement à Odessa avant que des frappes russes ne la dévastent dans la nuit de samedi à dimanche.

D'immenses fissures strient désormais les murs, des poutres gisent au sol, le mobilier est à terre, les lustres sont bringuebalants, les fresques ont été ravagées par les flammes.

"Tous les décors sont pratiquement détruits. Seul le clocher est intact", a indiqué à l’AFP le Père Myroslav, le recteur adjoint de la cathédrale. "L’onde de choc a été si forte que la cathédrale, qui fait 95 mètres de long, a vu toutes ses fenêtres et portes endommagées".

Un symbole historique

Tout comme le centre historique de la ville portuaire, la cathédrale de la Transfiguration, qui appartient à l'Église orthodoxe d'Ukraine a été inscrite au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco en début d'année, afin de lui garantir une haute protection juridique au vu des "menaces de destruction" qui pesait sur elle. À juste titre. Ce tir de missile a touché un symbole tant architectural qu'historique.

Fondé en 1794 et inauguré en 1809, le monument, au départ simple église, a évolué au fil des années et est devenu l'un des plus grands de la ville. En 1837, un clocher a été érigé, relate le Kyiv Post.

Sa cloche principale a été coulée à partir de 28 canons turcs: un trophée de la campagne de 1828-1829. Odessa devenant la même année le siège de l'évêque du diocèse de Kherson-Tauride, l'église a reçu le titre de cathédrale. D'importantes reliques sont conservées entre ses murs.

À cette époque, tous les événements majeurs, sociaux et spirituels de la ville s'y déroulent. Fêtes populaires, célébrations religieuses ou encore moments de recueillement, comme lors du bombardement d'Odessa par la flotte britannique en 1854 pendant la guerre de Crimée.

Déjà détruite sous l'ère soviétique

Ce n'est pas la première fois que la cathédrale de la Transfiguration d'Odessa se retrouve au coeur de l'Histoire. En 1932, elle a été fermée dans le cadre de la lutte contre la religion qui a suivi la révolution bolchevique, relate le Kiyv Post. Tout le mobilier a été confisqué, et le marbre arraché.

Avant que le lieu de culte ne soit totalement détruit en 1936. "Selon une version, elle aurait été dynamitée, selon une autre, elle aurait été démontée presque à la main, pierre par pierre", écrit le journal. Sur ses vestiges, un mémorial en l'honneur de Staline aurait ensuite été construit.

Une chute et une reconstruction

En 1991, l'Union soviétique est disloquée et l'Ukraine retrouve son indépendance. L'idée de reconstruire le monument religieux prend alors forme dans les esprits des civils et des autorités. Une collecte de fonds est organisée: plus de 615 millions de dollars ont été récoltés, depuis 1999, par l'organisation caritative "Black Sea Orthodox Fund". Achevée en 2003, la cathédrale a été de nouveau consacrée en 2010 par... le patriarche Kirill de Moscou et de toutes les Russies, dont elle dépend toujours. Contrairement à l'Église orthodoxe indépendante d'Ukraine qui a obtenu la reconnaissance canonique dans le monde orthodoxe en 2019.

Le patriarche Kirill, ancien membre du KGB, proche de Vladimir Poutine, "dirige la plus grande communauté chrétienne orthodoxe du monde et le clergé orthodoxe le plus riche du monde", explique à France 24 Cyril Bret, chercheur associé sur la Russie et l'Europe de l'Est à l'Institut Jacques Delors.

Celui qui a publiquement affiché son soutien à l'invasion Russe en Ukraine a "donc aussi une influence internationale incroyablement forte" et "une influence significative sur la société civile, les fidèles orthodoxes et le gouvernement russe dans le sens où il est un personnage public qui a longtemps été impliqué dans les questions brûlantes de la société russe", détaille le maître de conférences à l'université Sciences Po Paris.

"Un crime de guerre"

Vingt ans plus tard, la frappe sur cet édifice - démentie ce lundi par le Kremlin qui assure ne viser que des sites militaires - a été fustigée. L’Unesco a dénoncé un "crime de guerre", et a condamné des "frappes brutales russes" contre le patrimoine. En tout, 25 monuments ont été endommagés dans les frappes de dimanche sur Odessa. "Il y aura à coup sûr des représailles", a promis le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dès les premières heures dimanche, des habitants sont venus, le coeur lourd, aider à nettoyer et à ramasser les débris de la cathédrale.

Article original publié sur BFMTV.com