Chypre: taxer les dépôts va entraîner une perte de confiance définitive

Photo Par Barbara Laborde - La taxe sur les dépôts bancaires à Chypre, prévue dans le cadre d'un plan de sauvetage, pourrait porter un coup fatal à un secteur bancaire vital reposant sur la confiance et entraîner l'île dans des années de récession, préviennent des experts

La taxe sur les dépôts bancaires à Chypre, prévue dans le cadre d'un plan de sauvetage, pourrait porter un coup fatal à un secteur bancaire vital reposant sur la confiance et entraîner l'île dans des années de récession, préviennent des experts. "Le plan de l'Eurogroupe a porté un coup sévère à Chypre, il a sonné le glas du secteur financier de Chypre", estime l'économiste Simeon Matsi. Le président chypriote Nicos Anastasiades a conclu samedi à l'aube un accord sans précédent avec l'Eurogroupe à Bruxelles prévoyant une taxe exceptionnelle allant jusqu'à 9,9% sur tous les comptes bancaires, qui rapporterait 5,8 milliards d'euros, en échange d'un plan de sauvetage de 10 milliards. "Le secteur bancaire repose sur la confiance, s'il n'y a pas de confiance, il n'y a pas de secteur bancaire. Personne ne va plus faire confiance à Chypre quoi qu'il arrive", a ajouté l'économiste pour qui la "réputation" de l'île est définitivement ternie. "Je propose que nous nous refaisions les calculs. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons plus rétablir la confiance des déposants, parce que nous avons rompu notre contrat avec eux", a déclaré le gouverneur de la banque centrale chypriote, Panicos Demetriades, en plaidant pour une limitation du taux pour les petits dépôts et une augmentation pour les plus gros. La totalité des dépôts bancaires représentent environ 67 milliards d'euros, soit plus de quatre fois le PIB de l'île. Les besoins de Chypre pour couvrir sa dette s'élèvent à 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de son PIB annuel. L'annonce de cette mesure a fait l'effet d'un coup de massue pour les détenteurs de comptes bancaires à Chypre. Le président chypriote doit obtenir lundi l'approbation du Parlement de cette mesure impopulaire qui a d'ores et déjà orienté à la baisse les places financières. Lundi était férié à Chypre et les banques sont restées fermées depuis l'annonce de la mesure. Des millions déjà retirés Pendant tout le week-end, les déposants ont toutefois tenté de retirer des fonds aux guichets automatiques pour alléger leurs comptes. Pour M. Matsi cette mesure va également provoquer des retraits massifs de la part des investisseurs étrangers en particulier russes dont les avoirs à Chypre sont estimés à au moins 20 milliards d'euros, voire beaucoup plus selon certains experts. "Je ne pense pas qu'il soit question que les banques ouvrent (mardi) car il va y avoir une ruée et des millions (d'euros) ont déjà été retirés aux guichets automatiques. Elles doivent rester fermées quoi qu'il arrive", estime M. Matsi. "Les Russes signalent déjà qu'ils veulent retirer leur argent", a-t-il ajouté, faisant état de démarches entreprises par des avocats pour sortir des milliards d'euros dès que les transferts seront à nouveau autorisés. "Des milliards vont être retirés, nous avons déjà connaissance de 3 milliards prêts à être transférés", selon lui. Pour un autre économiste, Costas Apostolides, la taxe sur les dépôts, qui n'a été appliquée à aucun autre pays en difficulté de la zone euro, aura un impact sur toute l'économie mondiale. "Les actions ont chuté sur les marchés asiatiques et si c'est le même cas en Europe cela démontera que Chypre est (un risque) systémique et le monde entier paie un prix plus élevé que l'accord de l'Eurogroupe pour Chypre", estime-t-il. Le gouvernement chypriote s'est rendu aux négociations "sans aucune préparation", ajoute-t-il. "Nous n'aurions pas dû nous laisser impressionner par le bluff de l'Europe". "Chypre ne pourra pas sortir de la récession durant les 20 prochaines années et nos enfants vont payer ces erreurs", estime-t-il. Mais "si la proposition est rejetée aujourd'hui (par le Parlement), alors nous nous retrouverons très probablement hors de l'Europe et devrons repartir à zéro", estime M. Matsi.