CHRONIQUE. Un travail de recherche inspiré par un article sur Wikipédia
Le chercheur américain David Eppstein passe son temps libre à peaufiner des articles sur Wikipédia, et c'est en travaillant sur celui qui explique le théorème d'Erdös-Anning qu'il a eu l'idée d'une nouvelle problématique de recherche. Explications.
Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°926, daté avril 2024.
Pouvez-vous positionner des points dans le plan, pas tous sur une même ligne, de façon qu'ils soient tous à distance entière les uns des autres ? Avec trois points, il suffit de les mettre aux coins d'un triangle équilatéral de côté 1. Avec quatre points, il faut déjà réfléchir. Le carré dont le côté vaut 1 ne marche pas car les coins diagonalement opposés sont à distance √ 2 l'un de l'autre !
Un théorème qui date de 1945
Mais une solution existe : il suffit de former un losange en collant ensemble quatre triangles rectangles de côtés 3-4-5. En fait, il y a toujours une solution, que le nombre de points à placer soit 3, 4, 10, 100 ou 1000… Mais cette propriété n'est plus vraie pour un nombre infini de points ! C'est le théorème d'Erdös-Anning qui date de 1945 : si on a un ensemble infini de points dans le plan qui sont tous à distance entière les uns des autres, alors ces points sont forcément alignés.
Un exemple de la façon dont la recherche se fait
Le chercheur américain David Eppstein passe son temps libre à peaufiner des articles sur Wikipédia, et c'est en travaillant sur l'article qui explique ce théorème qu'il s'est demandé : que se passe-t-il si on généralise la question en utilisant non pas la distance euclidienne habituelle, mais une métrique non euclidienne ? Et cela a conduit à un travail de recherche, puis à un article scientifique.
On voit là un exemple de la façon dont la recherche se fait. Recherche non finalisée, certes. Mais cela conduit à comprendre en profondeur les propriétés qui sous-tendent la preuve, et donc à faire avancer la connaissance.
Par Claire Mathieu, directrice de recherche au CNRS, Institut de recherche en informatique fondamentale (CNRS/université Paris Cité).
Retrouvez cet article sur sciencesetavenir.fr