CHRONIQUE. Pour un serment d'Hippocrate en mathématiques

"Le rôle des mathématiques dans la crise financière de 2008 ou dans les dérives de l'intelligence artificielle est indéniable", selon Sylvie Benzoni.

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°921, daté novembre 2023.

Si éthique rime avec mathématiques, les associer ne va pas de soi pour celles et ceux qui les pratiquent. L'extraordinaire et presque centenaire mathématicien Jean-Pierre Serre l'affirmait tout de go en 2015 : "En mathématique, l'éthique ne pose pas de problème." Vraiment ? Ce n'est pas l'avis du mathématicien Maurice Chiodo, porteur d'un projet de recherche sur l'éthique en mathématiques.

Car le rôle des mathématiques dans la crise financière de 2008 ou dans les dérives de l'intelligence artificielle est indéniable, et l'on peut imaginer d'autres usages à des fins dommageables. Que devrions-nous faire, par exemple, de la découverte d'un algorithme rapide de factorisation des nombres entiers, qui ruinerait le principe de base de toutes les communications cryptées ?

Une communauté qui ne se sent pas assez concernée

Chiodo déplore que la communauté mathématique ne se sente pas plus concernée par l'impact de notre science sur la société. Lorsque la philosophe Marlène Jouan a entrepris de s'intéresser à la question, elle a été elle-même surprise. Depuis, elle fait la tournée des laboratoires de mathématiques pour exposer le fruit de ses recherches sur ce thème émergent. L'idée a été avancée d'un "serment d'Hippocrate" pour les mathématiques et les sciences du numérique. Quoi qu'il en soit, la meilleure façon d'éviter un mésusage des mathématiques est que notre communauté y réfléchisse elle-même. Il serait temps !

Par Sylvie Benzoni, directrice de l'institut Henri-Poincaré, à Paris.

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