Le choix des "territoires" ou du "confort" ? Pourquoi Macron a opté pour le JT de 13h pour s'exprimer

Un plateau de télévision le 20 mai 2022 - Bertrand GUAY / AFP
Un plateau de télévision le 20 mai 2022 - Bertrand GUAY / AFP

Le président s'adressera ce mercredi à la mi-journée aux Français dans une interview télévisée. Avec un objectif : afficher sa détermination sur la réforme des retraites, bousculée par la contestation qui s'installe. Mais le format retenu par l'Élysée suscite déjà des critiques.

Une intervention télévisée pour faire redescendre la pression. Après le rejet à 9 voix près seulement de la motion de censure transpartisane et la multiplication des mobilisations spontanées contre la réforme des retraites, Emmanuel Macron veut reprendre la main.

Plus habituée aux allocutions ou à des émissions spéciales dédiées - comme lors de deux soirées spéciales à l'automne dernier -, le président de la République a choisi cette fois-ci de s'inviter dans les journaux télévisés de 13 heures de TF1 et France 2, qui se délocaliseront pour l'occasion à l'Élysée. L'entretien sera également diffusé sur BFMTV, avec une édition spéciale dès midi.

Pas de 20 Heures tourné vers le national

Pour justifier ce choix, l'entourage d'Emmanuel Macron évoque "le choix des territoires". De compétition entre les "plus beaux marchés de France" à la sauvegarde de métiers d'artisanat en voie de disparition, ces deux JT se veulent les représentants des terroirs. Mais le constat laisse dubitatif certains spécialistes de la communication politique.

"C'est un peu étrange de prendre la parole dans des journaux à la tonalité plus régionale pour évoquer une réforme qui va engager des générations de Français. Un 20 heures plus tourné vers le national aurait été plus approprié", analyse le communicant Philippe Moreau-Chevrolet.

Ce ne sera que la deuxième fois en six ans de présidence que le chef de l'État s'exprimera pendant l'heure du déjeuner à la télévision. La première et unique expérience jusqu'ici avait eu lieu en avril 2018 avec un chantre des territoires, Jean-Pierre Pernaut, lors d'un journal délocalisé dans une école primaire de Berd’huis, dans l’Orne.

Interview sans précédent pour éviter tout comparatif

On y avait vu le président de la République assis dans une classe, avec au mur un calendrier, des dessins d'enfants et des fournitures scolaires, le tout dans un village de 1100 habitants considéré par TF1 comme "le reflet des communes françaises". Ce cadre se voulait symbolique, alors qu'Emmanuel Macron est régulièrement accusé par ses détracteurs d'être un "président des villes".

Une ex-conseillère ministérielle du précédent quinquennat voit une autre raison à ce retour aux 13 heures, pourtant peu habitués aux interviews politiques. "C'est plutôt malin de sa part de prendre un exercice sans guère de précédent", décrypte cette bonne connaisseuse des arcanes du pouvoir.

"On ne pourra pas faire de comparatif d'audience avec des déclarations d'autres figures de la vie politique ou de précédentes interventions présidentielles."

Le choix de téléspectateurs à la retraite

L'Élysée voit aussi dans le choix de cette interview ce mercredi à la mi-journée la volonté de s'adresser "aux nombreux Français qui rentrent chez eux pour la pause déjeuner" et donc aux salariés. C'est eux qui vont être directement concernés par la réforme des retraites.

Les chiffres des audiences de TF1 et de France 2 font cependant relativiser cet objectif: l'âge moyen du téléspectateur du JT de la première chaîne est de 61,5 ans. Il monte à près de 65 ans pour le service public.

C'est justement ce que reprochent les oppositions au chef de l'État. "Encore un mépris pour les actifs très majoritairement opposés à sa réforme. À 13 heures, ces derniers travaillent !", a avancé Éliane Assassi, la présidente des sénateurs communistes sur son compte Twitter.

"Le président fait très clairement le choix de s'adresser à un électorat âgé qui a voté pour lui et qui soutient massivement la réforme des retraites. C'est un choix de confort", décrypte encore Gaspard Gantzer, ancien communicant de François Hollande à l'Élysée.

La mobilisation contre la réforme des retraites est bien plus soutenue dans les rangs des actifs (70%) contre 53% pour les retraités, d'après un sondage Elabe pour BFMTV.

Un format relativement classique

La présidence insiste également sur "le choix du contradictoire" puisqu'Emmanuel Macron sera interviewé par Marie-Sophie Lacarrau et Julian Bugier. Ce sera la première fois que ces journalistes intervieweront le président.

Si le chef de l'Etat avait parfois pris des risques lors de son premier mandat, en se confrontant par exemple à Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart, en avril 2018, ou au média Brut en janvier 2020, l'Élysée fait cette fois-ci un choix plus classique.

"Ce ne sont pas des méchants, ils sont plutôt souples", estime Laurent Vibert, un spécialiste de la communication de crise.

Cette prestation télévisée sera-t-elle suffisante pour faire redescendre la pression ? Les téléspectateurs ne doivent pas s'attendre à voir Emmanuel Macron renverser la table. Le président a déjà fait savoir auprès de son entourage qu'il ne comptait ni dissoudre l'Assemblée nationale, ni remanier le gouvernement, ni retirer la réforme. Une nouvelle journée d'action intersyndicale sera organisée ce jeudi.

Article original publié sur BFMTV.com

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