"Sous le choc", "gâchis", "colère et frustration"... La majorité présidentielle secouée après le 49.3

De la colère dans le camp des oppositions bien sûr après la cartouche du 49.3 sur la réforme des retraites, mais pas seulement. La majorité présidentielle elle-même regrette l'utilisation de cette option institutionnelle par la Première ministre dans une ambiance chaotique.

"Bien que le 49.3 soit un outil constitutionnel, nous aurions dû aller au vote, pour respecter l'expression parlementaire et obliger à la responsabilité de chacun", a ainsi jugé le député Modem Erwan Balanant sur son compte Twitter.

"Avoir plaidé jusqu'au bout en faveur d'un vote"

"Les députés sont sonnés", assure encore un élu de la majorité auprès de BFMTV. Le sentiment est manifestement partagée. "Il y a beaucoup de colère et de frustration", s'agace l'une de ses collègues.

Après avoir tergiversé et envisagé un temps d'aller au vote, comme n'ont eu de cesse de le répéter les ministres, d'Élisabeth Borne à Olivier Dussopt en passant par Olivier Véran, le gouvernement s'est finalement résolu à ne pas prendre de risque à l'Assemblée.

"On ne peut pas prendre le risque de voir le compromis bâti par les deux Assemblées écarté. On ne peut pas faire de pari sur l'avenir de nos retraites", a essayé de se justifier la Première ministre dans un hémicycle inflammable, sous les huées et la Marseillaise chantée par les insoumis.

"Je regrette cet usage"

Il faut dire que les 287 voix nécessaires pour adopter la réforme n'étaient pas réunies et qu'Emmanuel Macron ne s'est donc pas résolu à obtenir le rejet de son texte - malgré sa menace de dissoudre l'Assemblée nationale pour mettre la pression sur les députés LR et espérer les pousser à voter pour.

Même son de cloche du côté du Modem Richard Ramos qui avait évoqué publiquement ses doutes et sa volonté de s'abstenir et qui voit dans ce 49.3 "un gâchis" et "un aveu de faiblesse" du président sur Twitter.

Philippe Vigier, l'un des membres de la commission mixte paritaire, très favorable à la réforme a également "regretté cet usage". "J'aurais voulu voir qui votait, qui ne votait pas", a expliqué l'élu Modem sur la chaîne parlementaire.

"Colère et déception"

Dans le camp de Renaissance qui n'a guère l'habitude de publiquement critiquer le président, on ose même attaquer frontalement l'exécutif.

"J'oscille entre colère et déception après ce 49.3 (...) Défaite ou victoire au vote, la démocratie aurait parlé," a avancé sur son compte Twitter le député Éric Bothorel.

Pour essayer de rassurer ses troupes qui sortent très abîmées de cette séquence, Élisabeth Borne a bien tenté d'arrondir les angles. Lors d'une réunion exceptionnelle d'intergroupe organisé après son passage dans l'hémicycle, la Première ministre a assuré que "jamais son destin personnel ne lui ferait prendre une décision que je juge contraire à l'intérêt de mon pays".

"Très inquiétant sur l'état politique du pays"

Comprendre: ce n'est pas le risque de devoir démissionner après un éventuel vote contre qui aurait pesé dans la balance de sa décision. Sans manifestement guère convaincre. "Elle doit partir", juge ainsi un macroniste.

"Comme l'ensemble de mes collègues, on souhaitait aller au vote. (...) On ne mouille pas le maillot pour rien depuis des mois", a encore regretté le député Renaissance Karl Olive au micro de BFMTV, tout en renvoyant la responsabilité sur les députés LR "totalement irrationnels".

"Le recours au 49.3 par le gouvernement est "très inquiétant sur l'état politique du pays", nous a encore rapporté un ministre pas moins sévère.

La défaite d'une "nouvelle méthode de gouvernement"

Manifestement, l'argumentation d'Emmanuel Macron n'a pas convaincu. Le président Emmanuel Macron a assuré lors d'un conseil des ministres exceptionnel que son "interêt politique aurait été d'aller au vote", a appris notre antenne. L'échec est pourtant total pour le chef de l'État qui avait promis "une nouvelle méthode de gouvernement" après les législatives.

L'Élysée va maintenir devoir trouver une sortie de crise. Des milliers de personnes se sont rassemblés place de la Concorde ce jeudi soir et la CGT appelle à des "mobilisations" et "des grèves qui doivent s'amplifier".

Article original publié sur BFMTV.com