Chlordécone : reconnaître la responsabilité de l’État, la Proposition de loi des socialistes
POLITIQUE - En déplacement en Martinique en 2018, Emmanuel Macron reconnaissait le « scandale environnemental » du chlordécone à propos duquel « l’État doit prendre sa part de responsabilité ». Le 29 février prochain, le groupe socialiste à l’Assemblée entend bien concrétiser cette déclaration d’intention en faisant officiellement reconnaître la responsabilité de l’État par une proposition de loi qui sera examinée lors de sa niche parlementaire.
« La responsabilité de l’État doit enfin être reconnue officiellement par la représentation nationale et ainsi ouvrir un droit à indemnisation pour les victimes du chlordécone et leurs ayants droits. Il s’agit d’une question de justice sociale et environnementale », plaident les élus.
Le chlordécone est un pesticide utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe entre 1972 et 1993. En dépit de sa classification par l’Organisation mondiale de la Santé en 1979 de « possible cancérigène » et de son interdiction en France hexagonale à partir de 1990, il a continué à être utilisé aux Antilles grâce à des procédures dérogatoires. D’où la réclamation formulée par les députés socialistes.
Indemniser mieux et plus de victimes
Auprès du HuffPost, le député PS de Guadeloupe Élie Califer porteur du texte insiste sur l’importance de cette reconnaissance pour rétablir « la confiance » entre les populations locales et l’État.
Les députés socialistes veulent aussi obtenir des avancées concrète pour les populations victimes. La première porte sur leur indemnisation avec la création d’une « autorité administrative indépendante » car, « au fil du temps, l’état de la connaissance scientifique progresse et démontre l’existence de liens entre l’exposition au chlordécone et l’apparition d’un certain nombre de pathologies. »
Si le cancer de la prostate est le plus souvent cité, d’autres études en cours évoquent désormais toute une série de pathologies comme la puberté précoce, la prématurité, l’endométriose ou encore des conséquences sur le neurodéveloppement des nouveaux-nés exposés avant et après la naissance.
En décembre 2021, un décret a été pris pour reconnaître les cancers de la prostate liés à l’exposition au chlordécone comme maladie professionnelle. Selon Philippe Vigier (ex-ministre délégué aux Outre-mer qui devrait, sauf surprise récupérer son portefeuille), « 150 dossiers ont été reçus, 80 d’entre eux ont donné lieu à un accord » fin novembre 2023 et « d’autres réponses sont en cours d’instruction ». Un ratio jugé « dérisoire » par les auteurs de la PPL alors que « 77 % des 12 700 travailleurs de la banane aux Antilles ont été possiblement exposés ».
Les socialistes déplorent les « critères complexes et restrictifs » qui empêchent la reconnaissance de toutes les victimes, secteur agricole ou pas. « En se limitant au tableau des maladies professionnelles, le reste de la population se trouve de fait exclu de toute logique de réparation alors même que des habitants ont pu être exposés de manière répétée au chlordécone » par le biais de l’irrigation et de l’alimentation. Pour être recevable financièrement, l’ensemble de la proposition de loi est gagé sur une taxe sur le tabac.
« Au-delà d’un gouvernement, nous voulons engager l’État »
« L’ensemble de l’environnement et du biotope est concerné par la contamination au chlordécone dans les Antilles », insistent les élus qui réclament en parallèle « la dépollution des terres et des eaux contaminées ».
Pour ce faire, ils jugent indispensable la mise en place de plans Chlordécone « bien plus ambitieux » que ceux déjà lancés. Depuis 2008, quatre initiatives de ce type ont déjà vu le jour sous la houlette de l’État, le dernier étant en cours pour la période 2021-2027. Dotés à chaque fois de plusieurs millions d’euros, ils ont pour objectif de sensibiliser les populations, aider la recherche, effectuer des cartographies des zones contaminées et aussi indemniser les victimes reconnues.
« Au-delà de la volonté d’un gouvernement, la PPL a pour objectif d’engager l’État lui-même dans un accompagnement pluriannuel de l’ensemble des victimes », précise le député guadeloupéen.
Avant d’être débattu dans l’hémicycle, le texte sera étudié en commission le 14 février. Le soutien des élus de gauche, tous bords confondus, semble acquis puisqu’écologistes, communistes comme insoumis ont tous déjà abordé cette question dans diverses campagnes électorales. Reste à savoir si le reste de l’hémicycle y sera favorable.
« Le 29 février marquera un moment historique, un moment de vérité où chaque député aura à se prononcer en conscience sur cet empoisonnement », juge Élie Califer pour qui une adoption sera la preuve d’une « considération forte » envers les territoires antillais. Un premier aperçu sera donné dès le 14 février lors du passage du texte en Commission.
À voir également sur Le HuffPost :
Pour alerter sur les effets du chlordécone, ils marchent 900 kilomètres
Chlordécone : ces solutions que les Antillais ont dû trouver avant la venue de Macron