Chez Fayard, Vincent Bolloré obtient la tête d’Isabelle Saporta et s’attire les critiques

Isabelle Saporta, la PDG de Fayard depuis juin 2022, va être licenciée sous peu par Hachette Livre, dans le giron de Vincent Bolloré.
JOEL SAGET / AFP Isabelle Saporta, la PDG de Fayard depuis juin 2022, va être licenciée sous peu par Hachette Livre, dans le giron de Vincent Bolloré.

MÉDIAS - Depuis plusieurs jours, elle attendait que « la guillotine tombe ». Isabelle Saporta, qui était PDG de Fayard depuis juin 2022, va être licenciée sous peu par Hachette Livre, géant de l’édition tombé dans le giron de Vincent Bolloré, a révélé en premier L’Obs. La raison de son éviction ? S’être opposée à l’arrivée de l’éditrice proche de l’extrême droite Lise Boëll, connue pour être derrière la transformation d’Éric Zemmour en essayiste à succès.

Dans le détail, la maison mère Hachette Livre souhaite que la marque Fayard puisse être partagée avec les éditions Mazarine, confiées à Lise Boëll et qui publieront le premier livre de Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, avant les européennes, selon L’Obs. Cela permettrait par exemple que la marque Fayard soit apposée sur les livres de Mazarine, dont certains devraient prendre une couleur politique très marquée.

Douche froide pour les salariés

Mais Isabelle Saporta, refusant que la maque Fayard soit associée à des ouvrages aux idées d’extrême droite, a refusé de signer des documents permettant cette double étiquette. Après ce refus, sans surprise, la patronne de Fayard a été convoquée à un entretien de licenciement le 20 mars, a indiqué à l’AFP une source interne, confirmant une information du magazine Télérama. Hachette Livre, filiale de Lagardère à la main du milliardaire Vincent Bolloré, n’était pas joignable vendredi soir pour réagir.

Pour les salariés de Fayard, cette éviction est la douche froide. Dans un courrier adressé dès jeudi au PDG d’Hachette Livre Arnaud Lagardère et à Stéphanie Ferran, l’une des plus hautes cadres de l’entreprise, ils faisaient part des « incertitudes quant à l’avenir des marques Fayard et Mazarine et à celui de notre PDG (qui) ont déjà des effets très concrets sur notre quotidien dans l’entreprise et sur nos relations avec nos partenaires extérieurs, notamment les auteurs ». Ils réclamaient « l’entière séparation des marques Fayard et Mazarine ». Une lettre « signée par la majorité » des 42 salariés de l’entreprise.

Encore une « prise de contrôle » de Bolloré

Des experts du secteur voient dans ce départ un nouveau couperet asséné par Bolloré, après la main mise de l’homme d’affaires sur CNews, Europe 1, Paris Match, ou dernièrement le JDD. À cet égard, l’historien de la presse Alexis Lévrier estime sur X (ex-Twitter) qu’Arnaud Lagardère, lui-même installé par Vincent Bolloré à la tête d’Hachette, a été « l’idiot utile » du milliardaire. « Il a permis à l’extrême droite (politique, médiatique, littéraire) de prendre le contrôle de Fayard, comme hier du JDD. Ni le talent ni l’éthique ni même l’intelligence ne sont héréditaires », fustige-t-il.

« À nouveau, la prise de contrôle de l’actionnaire Bolloré dans l’édition a pour conséquences directes des décisions brutales et des changements radicaux de ligne éditoriale vers l’extrême droite », juge pour sa part la députée Génération.s Sophie Taillé-Polian sur X. L’ancienne ministre socialiste de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, dénonce quant à elle une « bollorisation indécente ».

Même son de cloche du côté de la députée LFI de Paris, Sarah Legrain, pour qui Vincent Bolloré met à sa botte le milieu de l’édition : « C’est désormais Fayard qui subit sa méthode : détourner l’histoire d’une maison pour imposer ses lieutenants et son combat civilisationnel. »

De fait, le milliardaire Bolloré reproduit avec Fayard ce qu’il avait déjà mis en place dans un groupe d’édition rival qu’il détenait jusque fin 2023, le numéro deux français Editis. Une maison qu’il a dû revendre pour se plier aux règles de la concurrence alors qu’il rachetait justement Hachette Livre.

À voir également sur Le HuffPost :

Charline Vanhoenacker revient sur la polémique Netanyahu dans « C à Vous » : « Ça nous a beaucoup ébranlés »

Pour France Télévisions, la décision du conseil d’État sur le pluralisme sera « compliquée » à instaurer