Cheval: les consommateurs méfiants, mais l'impact limité dans le temps
Le scandale de la viande de cheval dans des produits estampillés "boeuf" a suscité la méfiance des Français vis à vis de l'agroalimentaire, mais l'impact sur les ventes et les habitudes de consommation restera limité dans le temps, estiment plusieurs analystes. Si un tiers des Britanniques ont annoncé dans un sondage leur intention de ne plus acheter de plats préparés suite à l'affaire, les Français apparaissent moins catégoriques, même si la méfiance est bien présente. De l'avis des experts, le scandale risque d'avoir moins d'impact en France qu'au Royaume Uni, où la consommation de viande de cheval est un vrai tabou. La première conséquence de l'affaire est une baisse des ventes de produits préparés surgelés: selon le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, celles-ci se sont repliées de 5% en France et de 20% en Grande-Bretagne. Les professionnels d'outre-Manche ne confirment toutefois pas ce dernier chiffre. En 2011, la consommation grand public de surgelés (hors glaces) a réalisé en France un chiffre d'affaires de 5,5 milliards d'euros (+1,4%), selon l'institut Kantar. Les plats cuisinés représentent 25,2% de la valeur et 22,9% des volumes vendus. Dans l'Hexagone, les distributeurs affirment que l'impact commercial du scandale reste "assez limité" pour le moment. Sans donner leurs chiffres de ventes, ils assurent ne pas avoir eu "d'afflux de demandes de remboursement ou de plaintes de clients". Un distributeur, qui a voulu rester anonyme, s'attend toutefois à constater "pendant un certain temps une réticence des clients à acheter certains produits, notamment des plats préparés et/ou surgelés à base de viande". Un autre concède que les gens "ont tendance à reporter leurs achats sur mes plats préparés à base de poisson" délaissant ceux à la viande. Selon un sondage Taddeo publié le 14 février, 41% des Français ne veulent plus consommer les marques en cause dans le scandale, et 70% jugent que l'affaire, loin d'être un incident isolé, est "révélat(rice) d'une réelle détérioration de la qualité des produits alimentaires". "Du fait de l'extrême médiatisation de cette affaire, aussi bien les marques concernées que les plats préparés ou surgelés vont souffrir à court terme", estime Julien Vaulpré, directeur général de Taddeo. Selon lui, "si on se base sur les précédentes affaires touchant l'alimentation, on peut s'attendre à une baisse entre 20 et 40% des achats sur les produits concernés". Malgré tout, tempère-t-il, ce "coup de frein ne devrait être que temporaire". "La défiance est là, c'est vrai, mais il ne faut non plus oublier qu'on n'est pas dans le cas d'un accident industriel ou sanitaire", souligne-t-il. Un avis que partage Jean-Daniel Pick, consultant spécialiste de l'agroalimentaire chez OC&C Consulting. "Il y a eu une grosse tromperie, mais on n'est pas non plus dans une affaire comparable à la vache folle ou à la fièvre aphteuse". "Les consommateurs n'ont pas la mémoire très longue. Même dans le cas d'affaires plus graves, on a toujours constaté qu'après des chutes importantes d'achats dans les semaines qui ont suivi, les niveaux de consommation ont toujours été rattrapés entre 4 et 18 mois après les faits", déclare M. Pick. "Je ne m'attends donc pas à des baisses durables", ajoute-t-il. "Une fois que les esprits se seront calmés et qu'il aura été établi que consommer de la viande de cheval n'est pas dangereux pour la santé, les choses devraient être remises à plat", prédit un professionnel de la distribution, sous couvert d'anonymat. Pour Jacques Dupré, du cabinet conseil Symphony IRI, "cette crise aura en tout cas profondément remis en cause l'ensemble du processus de fabrication" des plats préparés et de la filière agro-alimentaire. La consommation de plats préparés étant bien ancrée dans les habitudes, les marques concernées peuvent espérer s'en remettre, à condition de faire davantage oeuvre de transparence, soulignent plusieurs experts.