Le chef français Fabien Ferré, directement de zéro à trois étoiles à 35 ans

Le chef étoilé de "La Table du Castellet", Fabien Ferré, dans son restaurant, le 13 avril 2024 (CLEMENT MAHOUDEAU)
Le chef étoilé de "La Table du Castellet", Fabien Ferré, dans son restaurant, le 13 avril 2024 (CLEMENT MAHOUDEAU)

"Je suis un attaquant. Je fonce. Et parfois ça marche", taquine Fabien Ferré, devenu à 35 ans le plus jeune chef triplement étoilé de France pour sa cuisine méditerranéenne servie au Castellet (Var).

Pour le second du chef Christophe Bacquié pendant une décennie à cette même table, la performance est une prouesse. Fait rarissime, en mars, le célèbre guide Michelin lui décerne directement les trois étoiles, donc la médaille d'or sans avoir décroché auparavant le bronze ou l'argent.

Le jeune chef passe de l'ombre à la lumière en une soirée, les sourcils se lèvent et son style intrigue.

Car le trentenaire, qui donne du "frérot" à sa brigade pendant le service et joue du rap américain en cuisine, fait aussi atterrir sur les nappes et la porcelaine précieuse de l'hôtel-spa cinq étoiles l'une des plus délicates et émouvantes cuisines méridionales françaises du moment, selon les critiques.

"Dans ma cuisine, je veux être direct", affirme à l'AFP le chef tatoué, en jean et baskets confortables.

"Quand je réfléchis à une assiette, je prends le problème à l'envers. Je me dis toujours: +Qu'est-ce que je peux enlever ?+ et je me concentre sur le produit".

- Obsession sauces -

Gambas rouge avec une rhubarbe tannée et un velours de corail. Un produit, un condiment, une sauce viennent simplement structurer chaque assiette.

Sur le passe, le chef ne lâche pas sa cuillère gouteuse, corrigeant jusqu'à l'obsession les sauces qui sont en train de bâtir sa réputation. Le jus de Livèche, un herbacé de haute montagne, est prêt à venir "percuter" l'artichaut de Provence.

"Je suis plus un intuitif qu'un technique", concède Fabien Ferré, penché sur le plan de travail où il a sué pendant 12 ans, grimpant les échelons avant la consécration.

"Christophe (Bacquié) m'a aidé à mettre les mots sur mes émotions, m'a aidé à ne pas m'éparpiller, parce que j'aimais que ça aille vite, il m'a appris à réfléchir avant d'agir."

Son mentor le revoit arriver "tout feu, tout flamme" en 2013.

"C'est un garçon brillant, toujours en recherche d'une cuisine particulière et d'aller chercher des saveurs et des goûts, mais parfois dur à canaliser", confie à l'AFP l'ex chef du Castellet.

Fabien Ferré "assure que l'élève n'a pas dépassé le maître" et veille à rester "humble et à toucher terre".

- Cocotte-minute mentale -

Dans la redoutable cocotte-minute mentale que devient la direction d'une cuisine triplement étoilée, Fabien Ferré veille à une hygiène physique et mentale pour lui et ses équipes.

Du mercredi au dimanche, c'est un réveil à 07h30, double-expresso, tour d'Instagram et des comptes des copains étoilés, avant de filer soit au marché de Sanary-sur-Mer pour le retour de pêche, soit directement à sa cuisine, dont il ne bouge pas jusqu'à minuit.

Fabien Ferré promet qu'il cherche encore à "absorber" le choc et le stress que suscite l'incroyable distinction au Michelin pour lui et ses équipes, avant de préparer le coup d'après.

"Je ne suis pas un très grand rêveur, je veux juste assurer la qualité de l'année dernière et garder le même état d'esprit."

Un de ses clients habitués dit, à la moitié du repas "marin" en six temps, qu'il vient de "regoûter à la Méditerranée".

"Il réinvente tout ça", poursuit le médecin du coin, qui tient à son anonymat mais qui a bénéficié avec sa femme des deux couverts installés à même le bureau du chef, avec vue sur la cuisine... et les tableurs Excel. Une expérience de "coulisses" devenue très à la mode dans les grandes tables gastronomiques.

Pour le gourmand lambda, aucune réservation n'est possible au Castellet avant... octobre.

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