Scandale des cadavres à l'université Paris-Descartes : "C’était inimaginable. Des vers sortaient des corps", raconte Laurence Dézélée

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Laurence Dezélée ne sait toujours pas ce qu’il est advenu du corps de sa mère, légué à l’université Paris-Descartes à sa mort. Comme l’a révélé L’Express en 2019, l’établissement abritait depuis des années un vaste charnier où s’entassaient des cadavres par dizaines dans des conditions indignes. Certains auraient même été utilisés pour des crash-tests et des essais militaires. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur ce scandale, faisant part de sa forte détermination à découvrir la vérité.

Elle n’a pas les réponses à ses questions. Impactée et terriblement choquée par le scandale des cadavres à l’université Paris-Descartes, Laurence Dézélée est restée sans voix à la lecture des révélations de L’Express. Depuis, elle souhaite à tout prix découvrir ce qu’il est réellement advenu du corps de sa mère qui aspirait, dans un ultime geste, à faire avancer la science. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur cette horreur et a raconté la manière dont sa tristesse et son chagrin se sont transformés, avec le temps, en véritable combat.

Comme elle le raconte, les prémisses de cette histoire remontent à 2015, année où sa mère décède. Conformément à ses souhaits, elle confie son corps à la science, au centre du don des corps (CDC) de l’université Paris-Descartes, le plus grand d’Europe. Mais, à ce moment, elle est loin d’imaginer ce qui s’y trouve en son sein. Ce n’est que quatre ans plus tard que la vérité éclate.

"Comment imaginer que dans un quartier aussi chic, il s'y passait des choses aussi affreuses"

En 2019, des journalistes de L’Express mettent à jour une grande enquête dans laquelle ils révèlent les conditions de conservation indignes de corps et d’organes humains. Pour elle, c’est la stupéfaction. "Comment imaginer que dans un quartier aussi chic que la rue des Saints-Pères, au cinquième étage de cette faculté de médecine, il pouvait y avoir des choses aussi affreuses", déplore-t-elle.

Locaux vétustes, marchandisation des corps, atteinte à l'intégrité des cadavres : ce qu’elle y découvre est glaçant comme elle le confie dans son ouvrage "Pardon maman pour ce qu’ils t’ont fait" (ed. Plon). Selon les témoignages d’anciens membres du personnel, des corps démembrés jonchaient les couloirs, des vers en sortaient, les chambres froides ne réfrigéraient plus et la climatisation était inexistante dans les salles de dissection alors que le soleil tapait de plein fouet sur les vitres et donc, sur les corps. Et ce n’est pas tout. Des corps contaminés au VIH étaient visiblement donnés à disséquer à des étudiants et certains auraient même été utilisés pour des crash-tests et des essais militaires. En parallèle, des préparateurs de corps "un peu fous" s’amusaient à jouer avec des morceaux de corps. "Ils se donnaient des claques avec", raconte Laurence tout en expliquant qu’un d’eux aurait même "pissé sur des têtes".

Face à toute cette atrocité, Laurence sombre. Elle est anéantie. Les dates coïncident avec le moment où le corps de sa mère leur a été légué. Aujourd’hui, après plusieurs années de recherches, elle se pose encore de nombreuses questions et n’est toujours pas certaine que sa mère se trouvait dans ce charnier. "Aurait-elle finalement atterri ailleurs qu’au centre du don des corps ?", s’interroge-t-elle suspectant un trafic de corps ou d’organes, des dissections clandestines ou encore, des messes noires. "Même si c’est très tabou, il paraît que ça existe encore."

"Je veux savoir ce qu'ils ont fait du corps de ma mère"

Autant de questions qui la tourmentent jours et nuits. Elle explique notamment se réveiller régulièrement en sursaut ou avoir du mal à trouver le sommeil. "Ma vie a complètement basculé", confie-t-elle tout en expliquant avoir, souvent, d’horribles photos qui lui reviennent à l’esprit. Mais qu’importe. Elle ne regrette pas de les avoir vues car Laurence est animée par la volonté de retrouver sa mère. "Ils ne veulent pas me le dire mais je veux savoir ce qu’ils en ont fait."

Maman elle aussi, Laurence doit en parallèle gérer la curiosité de ses deux filles, désormais âgées de 19 ans. "Au début de cette histoire, quand j’ai découvert l’existence du charnier, j’ai tenté de leur cacher un maximum de choses mais c’était sans compter sur leur finesse d’esprit", confie-t-elle tout en expliquant avoir laissé transparaître une certaine baisse de moral. "Elles se sont également intéressées à l’actualité du moment", raconte-t-elle.

Et si Laurence a tout fait pour les épargner le plus possible, ses deux filles souhaitent désormais en savoir plus en lisant son livre. Laurence espère juste qu’elles ne seront pas trop heurtées par ce qu’elles y découvriront. Et cela devrait probablement être le cas. "Un préparateur de corps, avec qui je me suis entretenu pour mon livre, m’a dit que j’avais réussi à trouver les mots pour décrire l’horreur qu’il y avait, rue des Saints-Pères, sans heurter les gens", conclut-elle.

Retrouvez en intégralité l'interview de Laurence Dézélée