Charlie Adlard, dessinateur de "The Walking Dead", décrypte les scènes les plus choquantes du comics

Pendant seize ans, Robert Kirkman et Charlie Adlard ont fait frissonner d'angoisse des millions de lecteurs à travers le monde avec The Walking Dead. À la manière d'un Game of Thrones, ce comics qui a participé à re-populariser dans les années 2000 la figure du zombie a marqué les esprits avec ses twists choquants.

Moins par sadisme que par volonté de bouleverser les attentes du public, le duo s'est amusé pendant seize ans à se débarrasser, le plus souvent dans d'affreuses souffrances, de ses héros. Quatre ans après la fin de la série, Charlie Adlard a accepté de raconter les coulisses des moments les plus choquants de The Walking Dead.

Le bras coupé

Le premier de ces moments intervient dès le chapitre 28 (volume 5, Monstrueux), lorsque Rick se fait couper le bras. "En lisant le scénario de ce chapitre pour la première fois, je me suis dit que c'était fou", se souvient Charlie Adlard. "Dès que l'on décide de couper la main du héros, tout peut se produire à tout moment."

"J'ai compris que Robert allait constamment surprendre les fans. J'ai su alors que j'allais rester longtemps à bord, parce que c'est très excitant de réussir à maintenir de la sorte l'intérêt." Pour autant, Kirkman lui-même "n'avait pas prévu comment le scénario se déroulerait précisément", indique Charlie Adlard.

"Robert m'a vendu le projet en me disant que l'on s'intéresserait surtout aux personnages, que les zombies faisaient partie de l'histoire, mais qu'ils n'étaient pas au centre de l'intrigue. C'est ce qui m'a séduit. Mais il ne m'avait pas annoncé certaines de ses idées tordues..."

Le bébé assassiné

Parmi les choses que Kirkman ne lui avait pas précisées: la mort d'un nourrisson dans le chapitre 48 (volume 8, Une vie de souffrance). "C'est l'un des rares moments du comics où j'ai dû faire réellement attention à ce que je pouvais montrer. On ne pouvait pas être complètement gore et explicite. C'est l'un des plus grands tabous."

Dans le comics, le bébé est enveloppé dans un linceul. Tout est dans la suggestion. "On voit juste son bras qui sort du linceul à la fin. C'est atroce..." Et d'ajouter: "Je dessine beaucoup de manière instinctive. Je ne pense pas vraiment à ce que je dois dessiner avant d'être devant ma planche."

Cette scène a beau être choquante, elle n'est pas moins logique avec The Walking Dead. "On ne va pas le laisser en vie sous prétexte que c'est un bébé?! Cela montre à quel point cet univers est violent! Si on ne l'avait pas tué, on aurait donné l'impression que l'on a fait des compromis - et l'histoire aurait pu devenir moins bonne."

Le duo a appliqué cette logique dans le chapitre 61 (volume 11, Les Chasseurs) où Ben, un tueur en série de 5 ans, fait son apparition. "Encore une fois, dans le contexte de l’intrigue, cela fait sens. Cela montre comment la fin du monde peut affecter la psychologie des gens."

Charlie Adlard rassure ses fans: ces visions horribles ne l'empêchent pas de dormir. "Je n'ai jamais fait de cauchemars à cause de The Walking Dead! Ce sont juste des traits sur du papier!" Ce bon vivant passe une bonne partie de l'entretien à rire à gorge déployée, en se souvenant de certaines scènes de son comics.

"Avec Robert, on ne ressemble pas à des fans d'horreur classiques, qui sont souvent sombres et tristes. On a travaillé ensemble pendant 16 ans sur l'apocalypse zombie. Et pourtant, on est plutôt des gens heureux. On adore rire!"

La tête écrasée

Rire, il le faut, avant d'évoquer le chapitre 100 (volume 17, Terrifiant), qui met en scène l'un des moments les plus choquants du comics: la mort de Glenn, le crâne écrasé par la batte de baseball de Negan. "Oh, ce pauvre Glenn", soupire, compatissant, Charlie Adlard. Sa mort, néanmoins, ne l'a pas choqué.

"À ce stade-là, on s'était déjà débarrassé de tant de personnages... Mais la manière dont il a été tué a été par contre assez difficile à gérer", reconnaît le dessinateur. "La manière dont il hurle le nom de Maggie alors que son crâne est écrasé est bouleversante..."

Mais il y voit surtout un "exercice technique": "Dessiner du gore est avant tout un exercice technique: comment bien le mettre en scène, comment le dessiner de manière réaliste, comment rendre ce moment dramatique, comment faire aussi pour que ce soit plaisant d'un point de vue esthétique."

Charlie Adlard est fier de la pleine page où l'on voit la tête défoncée de Glenn, avec l'œil sorti de l'orbite. "J'étais très heureux de la manière dont j'avais réussi à dessiner la main au premier plan. C'est beaucoup plus difficile à dessiner que le gore, qui est juste un assemblage de gribouillis. La main permet d'harmoniser l'ensemble de la planche."

Le borgne

Mais cette page est finallement moins choquante que de celle du chapitre 137 (tome 23, Murmures), où Lydia lèche l'orbite de Carl, le fils du héros. "C'est l'une des choses les plus perturbantes que j’aie eu à dessiner dans ma carrière", confie-t-il. "C’est vraiment la faute de Robert! C'est lui qui a ces idées tordues et je dois les dessiner."

Il lui arrive de refuser. Cela lui est arrivé lors de la création du chapitre 33 (volume 6, Vengeance), où Michone se livre à une séance de torture. "C'est la seule fois où j'ai demandé à Robert si on était obligé de faire ça." Il s'est laissé convaincre par le scénariste: "Je lui fais confiance en tant que scénariste."

"On a travaillé aussi longtemps ensemble parce qu'il me faisait confiance en tant que dessinateur et que je lui faisais confiance en tant que scénariste. Je remettais rarement en question ce qu’il proposait. Et lui faisait de même. Ça a permis au comics de se faire dans une atmosphère sereine."

La mort du héros

La mort de Rick, dans le chapitre 192 (tome 32, La Fin du voyage), s'est déroulée dans cette même atmosphère sereine. "La beauté de ce moment est qu'il se fait tirer dessus de la manière la plus banale du monde", raconte Charlie Adlard. "Il a survécu à tant de choses et à la fin il se fait tuer par un adolescent mal luné. C'est très ironique."

La décision de tuer Rick ne l'a pas surpris: "Robert m'avait prévenu longtemps que Rick ne survivrait pas à l'histoire. Mais j'ai été surpris qu'il survive jusqu'à la toute fin! Je pensais qu'il allait mourir plus tôt. Mais bravo à Robert. C'était une idée parfaite. Tout le monde ne peut pas mourir en héros."

Pour lui, la fin de The Walking Dead est "très réussie", avec sa "note d'espoir." Maintenant, Charlie Adlard est passé à autre chose: "Le plus beau cadeau que m'a fait The Walking Dead est que je peux choisir sur quoi je travaille. Je n'ai plus besoin de dessiner des choses juste pour de l'argent. Je peux créer mes propres univers."

Article original publié sur BFMTV.com