Qui est Charles Sobhraj, alias "Le Serpent", ce tueur en série français libéré par la justice népalaise?

Qui est Charles Sobhraj, alias "Le Serpent", ce tueur en série français libéré par la justice népalaise?

Des escroqueries, des meurtres, des évasions... Le tueur en série et escroc français Charles Sobhraj, dit "Le Serpent", lié à plus d'une vingtaine de meurtres dans les années 1970, va être libéré ce jeudi de prison.

Condamné à perpétuité pour les meurtres de deux touristes nord-américains, et emprisonné depuis 2003 au Népal, sa libération a été décidée pour des raisons de santé, le tueur ayant besoin d'une opération à cœur ouvert.

Son histoire a fait l'objet d'une mini-série à succès de la BBC, avant d'être diffusée sur Netflix en 2021, avec Tahar Rahim dans le rôle principal. Retour sur la vie du "tueur au bikini".

Une jeunesse délinquante

Né à Saïgon le 6 avril 1944 d'un père indien et d'une mère vietnamienne qui ne tardent pas à se séparer, Charles Sobhraj, longtemps apatride, sera profondément tourmenté par son identité. Le mariage de sa mère avec un militaire français lui permet d'obtenir, à l'adolescence, la nationalité française.

Après une jeunesse délinquante, qui lui vaut de passer plus de cinq ans en prison, il part en voiture en 1970 avec son épouse enceinte, Chantal Compagnon. Le couple s'installe à Bombay (Inde), où naît leur fille Madhu le 15 novembre, et vit de diverses escroqueries. Charles Sobhraj commence à détrousser les hippies, proies faciles qui arpentent l'Asie pour se perdre dans la drogue.

En 1975, il débarque à Bangkok avec une Canadienne rencontrée quelques mois plus tôt en Inde, Marie-Andrée Leclerc, sa nouvelle compagne et complice. Charles Sobhraj se fait alors apppeler Alain Gautier et se dit négociant en pierres précieuses. Nadine Gires, une Française de 22 ans à l'époque qui habitait leur immeuble, non loin du célèbre quartier chaud de Patpong, se souvient d'un homme "cultivé, courtois". "Entre voisins, on n'a pas tardé à se fréquenter", racontait-elle à l'AFP en 2021.

"Beaucoup de personnes tombaient malades chez eux", avait poursuivi la voisine, se souvenant avoir un jour dit à Charles Sobhraj sur le ton de la plaisanterie: "'Tu leur jettes un sort!'" Elle dit avoir parfois entendu des gémissements, ce qu'elle trouvait "bizarre".

Un "meurtrier diabolique" presque démasqué par sa voisine

Vient la fin de l'année 1975. À Noël, un Français hébergé chez Charles Sobhraj, alors en voyage, montre à Nadine Gires le coffre-fort, rempli de faux passeports. "Il empoisonne des gens pour les voler", lui confie le jeune homme "terrifié".

La voisine décide de démasquer Charles Sobhraj, convaincue d'avoir affaire à un "escroc, séducteur, détrousseur de touristes, mais aussi meurtrier diabolique".

Elle se confie alors à un diplomate néerlandais, Herman Knippenberg. Ce dernier, qui est à la recherche de deux compatriotes disparus, monte avec la jeune femme un dossier à charge, avec des pièces collectées dans la fouille de son appartement, puis alertent la police thaïlandaise. En vain.

En mai 1976, Sompol Suthimai, un officier thailandais d'Interpol, découvre dans le quotidien Bangkok Post les photos de cinq touristes assassinés et des suspects - Charles Sobhraj et Marie-Andrée Leclerc. Il peine à croire le manque d'actions de la police.

L'agent contacte alors le diplomate néerlandais, Herman Knippenberg Knippenberg, qui lui transmet les pièces du dossier, notamment des journaux intimes et billets d'avion ayant appartenu aux victimes. Mais les suspects ont déjà fui en France, et Sompol Suthimai en est réduit à lancer un mandat d'arrêt international. C'est précisément cette habileté à disparaître qui vaudra à Charles Sobhraj son surnom, "Le Serpent".

Arrestation en Inde pour le meurtre d'un touriste

Quelques mois plus tard, en juillet 1976, "Le Serpent" est arrêté à New Delhi, après la mort par empoisonnement d'un touriste français dans un hôtel. Depuis sa cellule indienne, il vend son histoire à une maison d'édition, pour quelques milliers de dollars, dont les journalistes australiens Richard Neville et Julie Clarke tireront un livre, Sur la trace du serpent.

L'année suivante, leurs entretiens avec le tueur dans sa prison les plongent "dans son monde psychopathique", comme le confiait à l'AFP la journaliste en 2021.

"Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel", avait-elle relaté, confiant conserver de l'homme "un souvenir traumatisant".

Le Français est décrit, par l'un des témoins cité dans l'ouvrage, comme quelqu'un de "froid, arrogant, mais c'était une belle gueule. "Fascinant", il appâtait les voyageurs en leur proposant des pierres précieuses, bon marché, susceptibles de financer leur voyage, une fois revendues.

Condamné à perpétuité

Au total, il a été accusé d'avoir tué, au cours de ses années 1970, plus d'une dizaine de jeunes routards en Inde et en Thaïlande. En 1975, le corps de la jeune touriste américaine Connie Joe Bronzich est retrouvé sur une plage de Pattaya en bikini, ce qui lui vaudra dans la presse l'autre surnom de "bikini killer".

Charles Sobhraj a passé 21 ans en prison, marqués par un bref intermède: une évasion de 22 jours en 1986, après avoir endormi ses geôliers à l'aide de pâtisseries bourrées de somnifères. Retrouvé dans un restaurant de Goa, il affirme plus tard s'être échappé pour éviter l'extradition vers la Thaïlande, où il risquait la peine de mort pour le meurtre des deux touristes.

Libéré en 1997, ses crimes présumés étant prescrits en Thaïlande, il rentre paisiblement en France. Mais en septembre 2003, de retour au Népal pour une raison inconnue, il est rapidement arrêté puis condamné à perpétuité pour l'assassinat de Connie Jo Bronzich en 1975.

Dix ans plus tard, il a aussi été reconnu coupable du meurtre de son ami canadien, Laurent Carrière. Derrière les barreaux, Charles Sobhraj a maintenu son innoncence face aux deux meurtres et a affirmé qu'il n'était jamais allé au Népal avant le voyage qui a conduit à son arrestation.

En 2017, à 73 ans, il subit une opération à cœur ouvert de cinq heures, comme l'avait annoncé alors à l'AFP sa "fière" épouse Nihita Biswas, fille de son avocate népalaise, avec qui il s'était secrètement marié en 2008, alors qu'elle avait 20 ans. Charles Sobhraj doit être libéré ce jeudi de sa prison népalaise. Selon les responsables de l'établissement, le tueur en série va être remis aux services d'immigration pour être expulsé, dans les 15 jours.

Article original publié sur BFMTV.com