Comment Charles III a déjoué les pronostics pour sa première année de règne

ROYAUME-UNI - « Keep calm and carry on* ». Cette devise toute britannique résume à elle seule la première année de Charles III sur le trône du Royaume-Uni. Si aucun événement public n’est prévu pour marquer cet anniversaire, ce vendredi 8 septembre, le monarque n’échappe pas à un premier bilan de compétence, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.

En succédant à sa mère, le 8 septembre 2022, après 70 ans de règne d’Élizabeth II, la tâche paraissait ardue, voire inatteignable pour un prince plutôt impopulaire. Force est de constater que douze mois après Charles III a fait un « quasi sans faute ». Les sondages le montrent sans ambages, comme le pointe auprès du HuffPost, Philippe Chassaigne, historien spécialiste du Royaume-Uni et professeur à l’Université de Bordeaux-Montaigne.

Charles III caracole aujourd’hui à 55 % d’opinions favorables. Et même s’il demeure à la traîne chez les plus jeunes, 61 % des Britanniques estiment dans un sondage YouGov de début septembre que la monarchie doit continuer. Un tour de force alors que ses sorties publiques ont systématiquement été accompagnées de manifestations du mouvement républicain.

« C’est une année sans faute malgré une année pas si facile », abonde auprès du HuffPost, Catherine Marshall, professeure d’histoire et de civilisation britannique à la CY Cergy Université.

« Avec son attitude de monarque constitutionnel, sa réserve, d’éviter toute intervention dans le domaine de la politique : les Britanniques lui en sont gré », ajoute Philippe Chassaigne qui pointe également le parcours sans erreur de Camilla : passer en l’espace de 20 ans de personne « la plus détestée » du pays, à reine consort appréciée. « Elle ne s’est jamais plainte mais je pense que quelque part, elle a toujours un sentiment d’illégitimité », souligne Philippe Chassaigne.

Cette montée en popularité est d’autant plus remarquée que le Royaume-Uni a connu en 2022 trois Premiers ministres différents au cours d’une crise politique sans précédent, et que ces douze derniers mois ont aussi été marqués par des déclarations fracassantes du prince Harry.

Harry, un fils qui ne vous veut pas du bien ?

Après un documentaire Netflix en trois parties, dans lequel il accuse Windsor de « biais raciste », le prince publie au printemps son autobiographie, Le Suppléant. Pas de gant de velours, le prince étrille la « firme » royale, et y raconte même une bagarre avec William.

Une véritable fracture familiale face à laquelle Charles III évite les vagues. Buckingham Palace se garde bien de réagir : une stratégie payante. « La publication des mémoires de Harry a en fait eu un effet contraire à ce que son auteur espérait sans doute (...) En termes de popularité, en Grande-Bretagne - c’est un peu différent aux États-Unis, la majorité des Britanniques pensent qu’il crache dans la soupe, que c’est un enfant gâté et qu’il passe son temps à se plaindre », analyse Philippe Chassaigne.

Catherine Marshall tempère. Selon elle, Le Suppléant a notamment permis de mettre en avant la question de la place des « cadets » dans la famille royale. « Il y a une vraie question de fond qui a été vue avec le prince Andrew, qui était lui aussi à la même place que Harry mais avec Charles. Ça amène une question sur ce que sera peut-être le rôle de la princesse Charlotte. Ce rôle constitutionnel pourrait servir à autre chose, et dans la critique du prince Harry il y avait de cela », explique-t-elle.

La spécialiste rappelle aussi ce qui a été dévoilé à la faveur des déclarations de Harry : les « arrangements » entre la presse britannique et Buckingham. Et qui conduisent, dit-elle, à mettre plus ou moins en avant certaines personnalités royales dans la presse. Or, à ce jeu, Harry et surtout Meghan ont été clairement perdants.

Avec Kate et William, mais sans Harry : Charles III dévoile une nouvelle photo de famille royale

Vers une modernisation de la monarchie ?

Mais au Royaume-Uni, peut-être plus qu’ailleurs, point de rayon de soleil sans quelques ondées. Juste avant le couronnement, une lettre a été envoyée à Buckingham pour réclamer des excuses à la couronne pour l’héritage colonial. Elle était signée par 12 représentants de peuples autochtones d’Australie, du Canada, ou encore des Grenades.

Cette année, la Jamaïque où William et Kate avaient passé en 2022 un voyage mouvementé a, comme le Belize, fait part de sa volonté de devenir une République.

Des velléités d’émancipation vis-à-vis de l’ancien empire qui font écho à la nécessaire modernisation de Windsor, notamment en termes de finances. Si la sphère financière de la famille royale entretient de nombreuses « approximations », estime Philippe Chassaigne, il sera difficile de passer outre par exemple l’opacité autour de la fortune de Charles ou les droits de succession qu’il n’a pas payés au décès de sa mère. Même son de cloche pour Catherine Marshall.

Selon une enquête du Guardian, le roi était en 2022 à la tête d’une colossale somme de 2 milliards de livres. Un chiffre que même ses engagements et bonnes œuvres écologiques ne suffisent pas à faire oublier.

Les deux spécialistes rappellent également que le règne de Charles III est surtout perçu comme un règne de transition. « Son règne sera nécessairement plutôt court et sera peut-être le moment de procéder à ces ajustements pour que le moment venu Guillaume V qui sera le nom que portera William, hérite d’une monarchie qui aura résolu un certain nombre de ses problèmes », conclut Philippe Chassaigne.

En attendant, Charles III prononcera le 7 novembre prochain son premier discours d’ouverture de la session parlementaire en tant que souverain.

*« Reste calme et continue d’avancer »

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