Charles III en France : protocole, interdits alimentaires... Comment s'organise une visite d'État?

Charles III arrive mercredi à Paris, pour sa première visite d'État en France en tant que roi. L'ancien chef du protocole de la République française, Laurent Stefanini, avait géré la venue de sa mère Elizabeth II à Paris en 2014. Il nous raconte comment s'organise un tel événement.

Accueillir un roi à Paris, c'est tout une logistique. Dans quel véhicule va circuler le souverain? Que mange-t-il? Que ne mange-t-il pas? Que va-t-il visiter? Qui va-t-il rencontrer? Autant de questions qui ont peuplé les jours - et sans doute les nuits - du chef du protocole ces derniers mois.

Une pression que connaît bien Laurent Stefanini: il a lui-même organisé la dernière visite d'État en France de la reine Elizabeth II, en 2014. "Une visite d'État, c'est une négociation", assure l'ambassadeur. "Un dialogue", dans lequel chaque point est proposé par la puissance invitante et validé par les Britanniques.

À l'approche de la visite d'État du roi Charles III, qui débute ce mercredi, l'ancien chef du protocole de la République française de 2010 à 2016, raconte au "Podcast royal" de BFMTV les impératifs d'un tel événement en reprenant point par point les principales questions à régler avant la venue d'un souverain britannique.

Comment sécuriser une visite royale?

Laurent Stefanini se souvient d'une visite finalement "assez facile à organiser" sur le plan sécurité. Les Britanniques "n'ont pas d'exigences particulières" en la matière, explique l'ancien chef du protocole. "Ça a peut être un peu changé depuis, mais la sécurité autour du souverain britannique est assez légère, beaucoup plus légère qu'autour de bien des chefs d'État et de gouvernement contemporains."

Mais la visite d'État de Charles III intervient à un moment particulier, en pleine Coupe du monde du rugby et en amont d'un déplacement du pape François à Marseille. "Nous abordons une semaine particulièrement intense sur le plan de l'ordre public qui mobilisera l'ensemble des ressources disponibles en unité de forces mobiles (CRS et gendarmes mobiles)", a ainsi écrit le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin dans un télégramme adressé aux préfets.

D'autant que, comme sa mère la reine Elizabeth II, qui a effectué pas moins de cinq visites d'État en France, le roi Charles doit se livrer à quelques bains de foule à Paris et à Saint-Denis.

"Pour un tel événement, on le sécurise à l'avance", explique Laurent Stefanini. "La préfecture de Police de Paris est très outillée pour commencer à sécuriser plusieurs heures à l'avance. On fait ce que l'on appelle un déminage, c'est à dire qu'on s'assure qu'il n'y a pas d'explosifs à proximité. Il y aussi suffisamment de policiers en tenue et en civil pour faire en sorte que la visite se passe bien".

Comment organiser les déplacements du souverain?

Dès 2004, à l'occasion de son avant-dernière visite, la reine Elizabeth a emprunté l'Eurostar pour traverser la Manche.

"Pour le centenaire de l'Entente cordiale cordiale, la reine était venue par un Eurostar spécial", se souvient l'ancien chef du protocole, relevant que c'était un dispositif "relativement coûteux" et "pas nécessairement nécessaire, parce qu'on a du mal à le remplir".

En 2014, la souveraine a donc emprunté "un Eurostar régulier" avec "simplement une partie d'un wagon qui avait été réservé pour l'usage de la reine". À l'arrivée à la gare du Nord, les passagers ont été "bloqués pendant quelques minutes, le temps qu'Elizabeth II sorte de la gare". Si le roi Charles a préféré l'avion cette fois-ci, il devrait tout de même se rendre à Bordeaux, deuxième étape de son voyage en France, par le train.

Quant à Elizabeth II, elle avait tout de même fait suivre une Bentley de la cour, dont elle préférait le confort, pour assurer ses déplacements.

"Mais pour la descente des Champs-Elysées avec la grande escorte de la Garde républicaine et le président de la République, il fallait évidemment que ce soit une voiture française, le président n'allait pas monter dans une Bentley", raconte Laurent Stefanini. "Nous avons trouvé parmi nos voitures du parc la présidence de la République, une voiture suffisamment haute pour pouvoir accueillir également le chapeau de la reine."

Où faire dormir le roi durant sa visite?

"La tradition veut qu'il séjourne dans son ambassade, qui est à deux pas de l'Élysée, rue du Faubourg-Saint-Honoré", précise l'ancien chef du protocole.

"Elle est suffisamment vaste, c'est un vrai petit palais qui a été agrandi au 19e et au début du 20e siècle", décrit Laurent Stefanini. "C'est une tradition qui remonte un peu plus d'un siècle et au roi Édouard VII (fils de la reine Victoria, NDLR)."

Qui inviter au dîner d'État?

La liste des personnalités invitées au dîner d'Etat - programmé ce mercredi soir à Versailles - est "établie d'un commun accord" entre la France et le Royaume-Uni. "C'est d'abord la puissance invitante, donc le président de la République" qui dresse une liste de personnalités à inviter, décrit Laurent Stefanini.

"Il y a des membres du gouvernement, mais aussi une partie des corps constitués, souvent le grand chancelier de la Légion d'honneur, le secrétaire perpétuel de l'Académie française... Il y a également les milieux économiques, les milieux culturels et ceux pour qui la relation bilatérale franco-britannique compte énormément."

Au début du dîner, chaque convive est présenté au roi, indique Paul Poulade, chef du protocole en 2001. Et si les invitations arrivent tard, les invités n'ont généralement aucun mal à se libérer, ajoute avec humour Laurent Stefanini.

Que servir lors du dîner d'État?

Pour ce qui est du menu, il est là aussi proposé par la France, et tient compte des éventuelles recommandations alimentaires fournies par l'ambassade du Royaume-Uni.

"Le président de la République et son épouse auront soigneusement préparé ce repas - le choix des mets et le choix des vins", assure Laurent Stefanini. "Ils auront probablement soumis au protocole royal britannique ou même peut-être directement (au roi et à la reine), puisqu'ils ont eu ces derniers mois plusieurs fois l'occasion de se rencontrer. Ces choix seront donc validés par la partie britannique."

Du vin de Bordeaux devrait lui être servi, selon Paul Poulade. Le roi doit en effet visiter vendredi, au dernier jour de sa visite d'État, un vignoble dans la région.

Lors de la visite de la reine en 2014, du foie gras lui avait été servi, ce qui ne devrait pas être le cas pour Charles, qui a banni le foie gras de toutes les résidences royales", La souveraine, elle "affectionnait un très bon foie gras aux truffes dont elle avait conservé le souvenir de sa première visite d'État en 1957". "On se sentait un peu obligés, par sortes de symboles gastronomiques, de lui en servir", se souvient Laurent Stefanini.

Comment éviter les incidents diplomatiques?

Lors des visites d'Elizabeth II en France, des présidents français - Georges Pompidou en 1972 et Jacques Chirac en 2004 - ont commis l'un des pires impairs: toucher la reine. Pas de quoi en faire incident diplomatique pour autant, assure Laurent Stefanini, qui voit là une "petite maladresse".

Le risque est de toute façon moindre avec Charles III. "C'est quelqu'un de très facile, de très courtois, de très ouvert, très attentif aux autres et pas du tout formaliste ou raide", observe l'ancien chef du protocole. Il est plus tactile, et l'on n'est pas dans "cette même sacralisation du corps du roi", abonde Thomas Pernette, spécialiste de l'étiquette royale et auteur de Manuel de survie royal et de bonnes manières (éditions EPA).

Article original publié sur BFMTV.com

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