Charge de Laurent Fabius contre Washington à propos de la Syrie

PARIS (Reuters) - Laurent Fabius, appelé à quitter le gouvernement pour la présidence du Conseil constitutionnel, s'est livré mercredi à une charge virulente contre les Etats-Unis dans le dossier syrien en dénonçant leurs "ambiguïtés" à la veille d'une nouvelle réunion pour relancer le processus de paix. Le ministre des Affaires étrangères, dont François Hollande a proposé mercredi la nomination à la tête des "Sages", n'a pas mâché ses mots envers l'allié de la France dans la lutte contre l'Etat islamique en Syrie et en Irak. "Il y a des ambiguïtés y compris dans les acteurs de la coalition", a dit à des journalistes Laurent Fabius, partisan depuis le début du conflit syrien d'une ligne dure face à Bachar al Assad. "Je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit sur le principal pilote de la coalition (...), mais on n'a pas le sentiment que ça soit un engagement très fort" de leur part. "Il y a la parole mais les actions sont une autre affaire", a-t-il ajouté, dans une allusion à la volte-face américaine d'août 2013 et à l'abandon de la ligne rouge sur les armes chimiques fixée par Barack Obama. Prête à intervenir militairement, la France avait été coupée dans son élan par la décision de Washington de solliciter le feu vert du Congrès. "Je ne suis pas sûr que l'approche de la fin du mandat de M. Obama le pousse à agir autant que son ministre (des Affaires étrangères, le secrétaire d'Etat John Kerry-NDLR) le déclare", a souligné Laurent Fabius. Mi-janvier, en visite à Paris, le coordinateur de l'opposition syrienne Riad Hijab avait déploré un "recul très net" des Etats-Unis dans le dossier syrien et avait estimé que l'"Histoire ne pardonnera[it] pas" au président américain. Au moins 260.000 personnes ont été tuées dans le conflit syrien, qui a commencé en mars 2011 sous la forme d'une contestation pacifique du régime et s'est transformé progressivement, sous l'effet de la répression, en rébellion armée, rejointe par la suite par des groupes djihadistes. "BRUTALITÉ, COMPLICITÉ, AMBIGUÏTÉ" Sur le terrain, la situation humanitaire s'aggrave et les pourparlers de paix sont dans l'impasse. Les discussions indirectes menées sous l'égide de l'Onu entre la délégation du régime de Bachar al Assad et celle de l'opposition ont été suspendues le 3 février. Une réunion du groupe international de soutien à la Syrie - qui comprend des représentants de 17 pays - est prévue jeudi à Munich. "L'objectif que la France poursuit, c'est une Syrie libre qui puisse défendre ses convictions en paix, d'éviter des morts dans tous les coins et que la Syrie ne parte pas en éclats", a rappelé Laurent Fabius. "Ce n'est évidemment pas la situation aujourd'hui." Le drame de la Syrie aujourd'hui c'est l'addition de "brutalité, complicité et ambiguïté", a-t-il estimé. Brutalité de Bachar al Assad, "criminel de guerre et qualifié de criminel de l'humanité par l'Onu" ; complicité de l'Iran et de la Russie qui "ont maintenu Bachar au pouvoir" ; et ambiguïté américaine. A la réunion de Munich jeudi, l'approche de la France sera de soutenir l'opposition modérée, d'exiger un cessez-le-feu et de demander une transition politique, "c'est quelque chose de difficile à obtenir", a reconnu Laurent Fabius. Mais "ce n'est pas parce que la position est difficile à défendre qu'il faut l'abandonner". (John Irish et Marine Pennetier, avec Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)