« Chaque année, scolariser mon fils handicapé est un parcours du combattant »

Chaque année, nous devons relancer tous les IME qui nous répètent « il n’y a pas de place ». Ce que cela veut dire, c’est qu’on n’a pas notre place dans la société, et c’est très violent.
Chaque année, nous devons relancer tous les IME qui nous répètent « il n’y a pas de place ». Ce que cela veut dire, c’est qu’on n’a pas notre place dans la société, et c’est très violent.

TÉMOIGNAGE - Je suis la maman d’un enfant autiste avec déficience intellectuelle qui aura 8 ans dans quelques jours. Quand mon fils a approché des 3 ans, l’assistante maternelle qui le gardait nous a fait comprendre qu’il devenait trop grand pour ses soins. Maël marchait à peine, et il n’était pas encore apte à rentrer en maternelle.

Mon mari et moi travaillions tous les deux, et nous avons commencé à lui chercher une prise en charge, accompagnés par le centre d’action médico-sociale précoce de notre ville. Au vu de ses besoins, l’école, même en classe ULIS avec une assistante de vie scolaire n’était pas une solution adaptée. Nous avons donc décidé de contacter les six ou sept instituts médico-éducatifs (IME) autour de chez nous, qui nous ont tous mis sur liste d’attente.

Quatre ans plus tard, nous sommes encore sur ces listes.

Un parcours du combattant pour trouver un établissement adapté

Depuis, faire en sorte que notre enfant accède à des heures de scolarisation et qu’il soit pris en charge dans un environnement approprié est un parcours du combattant. Quand l’assistante maternelle a cessé de le garder, après un temps de recherche, nous avons trouvé une crèche « Rigolo comme la vie », un lieu d’accueil adapté aux enfants en situation de handicap jusqu’à 6 ans, avec du personnel formé pour l’accompagner dans son développement.

Nous pensions que cet endroit serait le bon pour attendre qu’une place se libère en IME mais environ un an plus tard, à son tour, la structure nous a fait comprendre qu’ils ne pourraient pas le garder. Nous n’avons jamais connu la raison exacte de ce refus et nous sommes partis avec quelques phrases d’explication. « Il est particulièrement grand pour son âge, donc il atteint des poignées dangereuses », ou « il réveille ses petits camarades quand ils font la sieste ».

Je pense que même cet espace, fait pour les enfants en situation de handicap, n’était pas adapté à ses spécificités. Ils accueillaient des enfants avec des difficultés motrices ou qui étaient atteints de trisomie 21, mais ne savaient pas vraiment prendre en charge les besoins de Maël.

Une école spécialisée en Belgique

C’est là que nous avons entendu parler d’écoles spécialisées en Belgique, à une vingtaine de minutes de chez nous, où l’on accueille des enfants handicapés dans un modèle hybride, avec un système qui ressemble à l’école mais où on leur propose un apprentissage adapté.

Ces écoles connaissent bien les enfants français et sont habituées à les prendre en charge. D’ailleurs, c’est la sécurité sociale qui prend en charge le transport de notre fils jusqu’à l’école tous les jours en taxi privé. Pour pouvoir y accéder, il faut chaque année commencer par démêler un imbroglio administratif : d’abord, relancer tous les IME pour savoir si une place s’est libérée. Ensuite, obtenir un courrier pour prouver qu’il n’y a pas de place en IME, un certificat de scolarité en Belgique, une ordonnance de transport, des notifications MDPH…

Le tout à garder à portée de main, car nous avons déjà reçu un courrier des services sociaux nous demandant pourquoi notre enfant, en âge d’aller à l’école, n’était pas scolarisé. C’est nous qui avons dû nous justifier en expliquant qu’il n’avait de place pour lui nulle part, à part dans un autre pays !

Rien n’est fait pour faciliter l’inclusion des enfants handicapés

Aujourd’hui, ses heures de scolarisation sont assurées en Belgique, mais cela ne facilite pas les choses du côté de son suivi médical. Nous consacrons une journée par semaine à ses rendez-vous, notamment orthophoniques. Dans notre quotidien, cela a un impact direct : parce qu’aucun mode de garde ne lui est accessible, comment faire accepter à nos employeurs que nous devons rentrer chez nous pour 16 heures, au moment où il rentre de l’école ? Et le mercredi après-midi ?

De manière générale, rien n’est fait pour faciliter l’inclusion et la prise en charge des enfants handicapés. Quand nous avons constaté que les IME autour de chez nous n’avaient plus de place, on nous a parlé d’établissements plus éloignés avec internat. Pour nous, c’était lunaire. À 5 ans, c’était un bébé. Quel parent se sépare de son bébé et l’envoie en internat ? Aujourd’hui encore, il est bien trop petit pour ça. Ce n’est pas une question qu’on oserait poser aux parents d’enfants non-handicapés.

Nous nous sentons très démunis. Notre fils n’a accès à rien, en dehors des IME ou de la maison. L’État ne propose pas de structures adaptées, de centres aérés ou d’espaces dans lequel il peut s’amuser, changer d’air hors de la cellule familiale et être au contact d’autres enfants. L’été, certains IME proposent des activités au mois d’août et certaines associations proposent des colonies. En dehors de ça, nous n’avons jamais droit au relais proposé aux parents d’enfants qui n’ont pas de handicap.

On nous répète « il n’y a pas de place »

Si nous n’avions pas vécu aussi près de la frontière belge, nous n’aurions tout simplement eu aucune solution, comme c’est le cas pour tant d’autres enfants. L’un de nous deux aurait dû arrêter de travailler mais même comme ça, il aurait été très difficile de gérer son apprentissage : nous ne sommes pas formés pour ça.

L’école d’aujourd’hui n’est ni accessible, ni inclusive, et on manque d’IME. Pour moi, c’est une aberration de penser qu’on préfère financer des allers-retours en taxi tous les jours pour que des enfants aillent être éduqués en Belgique plutôt que de financer des projets sur notre territoire.

J’ai l’impression que l’État n’accorde aucune importance à l’éducation des enfants porteurs de handicap. Dès qu’on a la moindre difficulté, qu’on présente la moindre différence, accéder à l’école devient un parcours du combattant pour nos enfants. Chaque année, nous devons relancer tous les IME qui nous répètent « il n’y a pas de place ». Ce que cela veut dire, c’est qu’on n’a pas notre place dans la société, et c’est très violent.

À voir également sur Le HuffPost :

Trop d’enfants en situation de handicap « privés de rentrée », déplore une association

« J’ai pris le train en tant que personne à mobilité réduite, et on m’a traitée comme un carton abandonné »