Ceta : le Sénat rejette (massivement) le traité UE-Canada et inflige un camouflet au gouvernement

Les sénateurs communistes ont imposé l’examen du texte lors de leur niche parlementaire. Après des heures de débat, l’accord de libre-échange a été largement rejeté.

Entre campagne européenne et crise agricole, l’examen ce jeudi 21 mars au Sénat du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada baptisé Ceta s’est mal déroulé pour le gouvernement, avec le rejet massif du texte par la Chambre Haute. Plus que des conséquences concrètes, c’est surtout sur le plan politique que le coup est rude à encaisser pour le gouvernement.

Avec 211 votes contre et seulement 44 pour, la Chambre Haute a massivement rejeté l’article 1er du Ceta appliqué provisoirement depuis 2017 mais jamais soumis aux voix des sénateurs jusqu’alors. Un ultime vote sur l’ensemble du texte a confirmé dans la foulée le rejet du traité. « En supprimant l’article 1, vous ne ratifiez pas l’accord et vous envoyez un très mauvais signal à nos exportateurs, à nos agriculteurs et aux Canadiens », s’est ému le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester.

Le Ceta (« Comprehensive Economic and Trade Agreement ») supprime notamment les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre l’Union européenne et le Canada. Il est fortement critiqué, notamment par les éleveurs français qui épinglent des importations de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et produite avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis.

Voté en 2019 à l’Assemblée… Et puis plus rien

Signé en 2016, adopté en 2017 à l’échelle européenne, le Ceta a été validé de justesse à l’Assemblée nationale en 2019, suscitant un nombre d’abstentions record pour l’époque dans les rangs macronistes. Dans la foulée, le gouvernement n’a jamais saisi le Sénat, une étape pourtant nécessaire dans le processus.

Fait rarissime au Parlement, les sénateurs communistes ont donc inscrit dans leur temps parlementaire réservé non pas une de leurs propositions de loi, mais le projet de loi du gouvernement autorisant ce dernier à ratifier ce fameux traité.

« Depuis 2019, le gouvernement poursuit son déni de démocratie en refusant de l’inscrire ici parce qu’il sait très bien qu’il pourrait se dégager une majorité contre le texte », s’indigne le communiste Fabien Gay. Les écologistes, les socialistes et une grande partie de la droite sénatoriale, premier groupe à la Chambre haute, y sont en effet opposés. « Il y a encore eu un mépris du Sénat et du Parlement et ça, on n’a pas oublié », pointait d’ailleurs avant le vote le chef de file des Républicains, Bruno Retailleau.

Le gouvernement pouvait compter sur soutien du groupe de l’Union centriste d’Hervé Marseille (UDI). Mais les élus centristes ont quitté l’hémicycle juste avant le scrutin. « Puisque tout est fait pour que le vote soit organisé avec une certaine tendance, le plus simple est qu’on vous laisse entre vous », s’est indigné le président du groupe Hervé Marseille.

Le risque d’envoyer un « signal ravageur » pour la France dans l’UE

Ce refus sénatorial devrait entraîner un nouvel examen à l’Assemblée nationale, avec là aussi un sérieux risque de rejet. Si un Parlement national acte la non-ratification du traité, cela remet en cause son application provisoire à l’échelle de toute l’Europe… à condition néanmoins que le gouvernement français notifie à Bruxelles la décision de son Parlement, ce qu’il n’est pas tenu de faire. Et sans notification à l’échelle de l’UE, l’accord continue à s’appliquer.

Alors pourquoi ces inquiétudes au sommet de l’État ? L’enjeu est avant tout politique, dans un contexte d’élections européennes. A fortiori avec la crise agricole qui traverse l’Europe et alors que la question des traités de libre-échange s’est imposée. La France avance prudemment et soutient certains accords (avec le Chili par exemple), mais s’oppose à celui du Mercosur. Un rejet du Parlement ne ferait que compliquer cette progression de funambule : « Ça deviendrait compliqué d’être audible, expliquait lundi un conseiller gouvernemental au site Politico. À Bruxelles, ils se diront que les Français sont de toute façon contre tous les traités, même quand il est bon. »

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