"C'est du jamais-vu, ils sont suréquipés": les mortiers d'artifice, principal arme des émeutiers

"C'est du jamais-vu, ils sont suréquipés": les mortiers d'artifice, principal arme des émeutiers

Sur les réseaux sociaux, les images sont impressionnantes: face aux forces de l'ordre, à Nanterre, des individus tirent en rafale des mortiers d'artifices pendant de longues minutes. Des vidéos similaires, il y en a des centaines sur les plateformes. Depuis le début des émeutes, déclenchées par la mort de Nahel, ces engins explosifs sont utilisés un peu partout en France comme arme pour repousser policiers et gendarmes.

Initialement utilisés par les professionnels des feux d'artifice, ces engins pyrotechniques – un cylindre en carton, en plastique ou en métal qui permet de tirer des feux d’artifice à plusieurs dizaines de mètres -, ont été largement détournés ces dernières années. Habituellement cantonnés à des débordements entre jeunes pour "célébrer" le 31 décembre ou le 14 juillet, les tirs de mortier sont devenus quasi-systématiques lors des affrontements avec la police.

Des "stocks de réserve"?

Depuis quelques jours, c'est la quantité de tirs de mortiers - qu’il ne faut pas confondre avec le mortier, utilisé par l’armée pour lancer des obus – qui impressionne les forces de l'ordre. "C'est du jamais-vu, ils ont du matériel en continu, ils sont suréquipés", reconnaît Denis Jacob, secrétaire général Alternative police-CFDT, auprès de BFMTV.

"On est régulièrement visé par des tirs de mortiers, mais là, on a aucun moment de répit, ils sont massivement équipés, c'est hallucinant", poursuit le syndicaliste.

Pour Thierry Clair, le secrétaire général adjoint de l'UNSA-Police, c'est "la concomitance" des tirs de mortiers d'artifice qui est inhabituelle. "Normalement, c'est cantonné à certaines villes, là, c'est partout en France et c'est en continu", explique le syndicaliste.

Selon Denis Jacob, les émeutiers avaient probablement déjà "des stocks de réserve". "Pour qu'ils soient équipés comme ça, dès le premier soir, je pense qu'ils attendaient l'étincelle ou qu'ils préparaient des violences pour le 14 juillet", estime le secrétaire général Alternative police-CFDT.

"C'est à croire qu'ils ont des réserves depuis des mois vu la quantité", déplore Denis Jacob.

Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux pour se rendre compte du nombre de vidéos de tirs de mortiers publiées ces derniers jours. "D'autant que, il y a une certaine starification avec les réseaux sociaux, c'est la surenchère", enchaîne Denis Jacob, qui poursuit: "On se filme, on se met en scène, c'est à celui qui aura le tir le plus impressionnant ou le plus dangereux, et donc à la vidéo la plus vue".

Des engins extrêmement dangereux

Si ces mortiers d'artifice sont interdits au grand public, c'est qu'ils peuvent être extrêmement dangereux s’ils ne sont pas manipulés par un artificier. Que ce soit du côté des victimes ou des tireurs, ces engins pyrotechniques, censés être plantés dans le sol et dirigés vers le ciel, peuvent blesser gravement s'ils sont dirigés vers une personne.

"C'est une bombe pyrotechnique envoyée à hauteur d'homme. Il peut y avoir des séquelles au niveau de la vue, de l'audition, des brûlures ou même des amputations, notamment de doigts", explique Thierry Clair.

Dans certains cas, les conséquences peuvent être dramatiques. En 2021, en Alsace, un jeune homme est mort, "la tête arrachée" en manipulant un mortier d'artifice à l’occasion du réveillon du Jour de l’An.

Les mortiers d'artifices peuvent également déclencher des incendies s'ils sont tirés sur des matériaux inflammables, rappelle le policier. Dans la nuit de mercredi à jeudi, un incendie s'est déclenché dans un immeuble d'habitation à Villeurbanne, près de Lyon, après des tirs de mortiers.

Selon les éléments rapportés sur place aux pompiers, l'immeuble aurait été visé par des jeunes depuis la rue, après des "échanges" avec les résidents. Un tir aurait alors touché des substances inflammables sur le balcon, provoquant l'incendie, qui a fait quatre blessés.

"Ubershit" version mortiers

Pourtant, depuis la loi de "sécurité globale" en 2021, la réglementation de ces engins a été renforcée. Désormais, l’achat, la détention, l’utilisation et la vente de mortiers d’artifice à des non-professionnels sont punis par des peines allant jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende. Des peines peuvent être doublées si l’achat ou la vente se fait sur Internet.

Mais il reste relativement facile de se procurer des mortiers d'artifice, que ce soit sur les sites Internet ou sur les réseaux sociaux. À l’image d'"Ubershit" pour la drogue, il suffit de quelques minutes pour acheter des mortiers d'artifice sur Snapchat ou sur les messageries cryptées WhatsApp ou Télégram.

"Certes, ils n'achètent plus directement en magasin, mais ils se fournissent sur Internet ou sur les réseaux sociaux, il suffit de deux ou trois clics", explique Thierry Clair.

"La loi, c'est une chose, mais il suffit de commander par Internet, c'est livré par colis et il y en a très peu qui sont contrôlés, c'est une vraie passoire", ajoute Denis Jacob, qui craint "les jours à venir".

Article original publié sur BFMTV.com