La CEDH déboute Mö, première personne intersexe à porter plainte pour mutilations médicales

Mö, première personne intersexuée à porter plainte pour mutilations après des opérations d'assignation de genre subies dans l'enfance, le 19 mai 2022 - BFMTV
Mö, première personne intersexuée à porter plainte pour mutilations après des opérations d'assignation de genre subies dans l'enfance, le 19 mai 2022 - BFMTV

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La plainte était une première. Mais Mö, personne intersexe, a été déboutée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ce jeudi, après avoir dénoncé des mutiliations médicales subies dans son enfance, la requête étant jugée irrecevable pour des questions techniques de procédure. La décision pourrait faire jurisprudence, mais l'avocate de la plaignante se veut optimiste.

"Nous sommes déçus. Je m'attendais à ce que la cour se saisisse de cette question puisque c'est une première", déplore Mila Petkova, l'avocate de Mö, sur le plateau de BFMTV après l'annonce de la décision.

La décision de la CEDH de ne pas statuer sur le fond constitue cependant un motif d'espoir pour l'avocate, qui estime que les choses peuvent avancer à l'avenir.

"Cette décision est extraordinaire puisqu'elle annonce une évolution qui va arriver", assure-t-elle. Elle souligne que la cour a estimé dans ses motivations que les "opérations sans consentement et sans nécessité thérapeutique sont interdites", le fait de naître intersexe ne constituant aucun danger à court ou long terme sur le plan médical.

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Cinq opérations avant l'âge de 15 ans

Née avec des attributs des deux sexes, Mö s'est vu attribuer le genre féminin à la naissance et a dû subir de multiples opérations tout au long de son enfance et de son adolescence pour correspondre à ce genre.

"Ça commence dès la naissance avec ce qu'ils appellent des explorations. (...) On ouvre tout, on charcute, c'est des coups de scalpel", dénonce la plaignante de 44 ans au micro de BFMTV, lunettes noires sur le nez et casquette assortie.

Entre hospitalisations, injections d'hormones et "rééducation", Mö raconte ses jeunes années, faites de souffrances et d'injonctions. Avant 15 ans, elle avait déjà été opérée cinq fois, sans l'avoir à aucun moment choisi.

À l'âge adulte, Mö, qui a choisi d'adopter un prénom neutre, porte d'abord plainte en France contre les médecins qui l'avaient opérée dans sa jeunesse, mais la justice refuse d'enquêter sur les faits, estimant qu'ils sont prescrits. La quadragénaire doit donc se tourner vers la CEDH.

"Plus déterminée que jamais"

Avec cette action en justice, Mö espérait obtenir réparation en justice, mais aussi mieux faire connaître son cas, qui n'est pas isolé.

"Je le fais pour toutes les rencontres de personnes inter' que j'ai faites, (...) pour ma famille aussi, pour ma mère aujourd'hui, pour mes amis, pour la société", expliquait Mö avant que la décision ne soit rendue.

Malgré la réponse donnée par la CEDH, le combat juridique n'est pas fini pour Mö, qui compte plaider sa cause devant d'autres juridictions. "Mö est plus déterminée que jamais et moi aussi", assure son avocate.

Selon des études, notamment reprises par le Sénat, environ 12.000 enfants naissent intersexués chaque année en France. Aujourd'hui encore, les personnes intersexes sont, dans la plupart des cas, opérées dès la naissance pour qu'on leur assigne un genre.

Article original publié sur BFMTV.com