Dans « Causeur », Fanny Ardant a tort : aucune femme ne choisit d’être victime de violences sexuelles
METOO - Fanny Ardant en roue libre. En une du magazine conservateur Causeur, l’actrice française a répondu à une interview sur le mouvement #MeToo. L’occasion pour elle d’affirmer une nouvelle fois son soutien à Roman Polanski, visé par plusieurs accusations de viols et d’agressions, et de comparer la dénonciation des violences sexuelles au Maccarthysme – en somme, une « chasse aux sorcières ».
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« Être une femme puissante, c’est pleurnicher ? C’est dire “Je suis une pauvre petite victime” ? » interroge l’intervieweuse Sabine Prokhoris (philosophe et psychanalyste, autrice d’un ouvrage de défense de Roman Polanski), en référence aux larmes de Juliette Binoche au festival de Cannes cette année. La question, injurieuse envers toutes celles qui ont osé témoigner des violences qu’elles avaient subies, donne le ton de la réponse de Fanny Ardant : « Je ne suis pas une bonne référence. Je n’ai jamais voulu être une victime, je me suis toujours battue… à mes risques et périls. »
Une « insulte » aux victimes de violences sexistes et sexuelles, selon un billet de Libération, et un nouvel exemple d’inversion de la culpabilité, comme si les personnes ayant été agressées sexuellement avaient choisi leur sort. Une phrase d’un « mépris formidable » selon Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol interrogée par Le HuffPost.
Une Une avec Fanny Ardant "Pour l'honneur de Roman Polanski", "contre le maccarthysme Metoo" et traitant les victimes du Metoo Cinéma de "connes"... On est bien là? 🤢 pic.twitter.com/AJe8JAwu3y
— Marie LEMONNIER (@MariLemonnier) June 4, 2024
Un « contresens épouvantable »
« Tout le monde rêverait de ne jamais avoir été victime », soupire Emmanuelle Piet, soulignant l’évidence : personne ne choisit d’être victime de sexisme ou de violences sexuelles. Elle rappelle qu’il est courant de croire qu’une agression ne pourrait pas nous arriver à nous, qu’on saurait mieux résister. « Les gens disent “Si ça m’était arrivé, je lui aurais mis un coup de pied dans les couilles”, “Je me serais mieux défendue”. On n’arrive pas à penser que les agressions prennent les gens au piège. C’est faire fi des réflexes humains, de la sidération et de notre cerveau qui fait comme il peut, explique-t-elle. C’est un contresens épouvantable ».
Elle ajoute que tenir ce genre de propos, c’est se rendre complice d’un « flou entretenu par l’agresseur ». Laisser entendre que « quand même, on peut y être pour quelque chose, qu’on ne s’est pas assez défendue, qu’au fond, on le voulait. Ça entretient la culpabilité des victimes », soutient la militante Une prise de parole qui peut signifier deux choses selon elle : « Si j’ai été victime, j’ai fait comme si ça ne m’était pas arrivé, même pas mal, ou bien ça ne m’est pas arrivé et dans ce cas, ce n’est pas une raison pour piétiner les autres, celles qui l’ont vécu. »
« Les victimes, taisez-vous maintenant »
Réagissant aux propos tenus dans l’article de Causeur sur la chasse aux sorcières ou la volonté « d’écraser un homme », elle avance : « Effacer les hommes, ça n’a jamais été la volonté d’aucune féministe. La question, c’est “Est-ce que tous les humains ont le droit d’être en sécurité ?” Les violences sexuelles qui touchent les femmes et les enfants, c’est une manière de leur dire qu’ils ne sont pas libres, qu’ils peuvent être atteints à tout moment. Nous, les humains, on aimerait pouvoir sortir librement, avoir des relations sexuelles consenties, avoir une vraie place dans la société. Ça me semble raisonnable ».
Interrogée sur ce qu’elle répondrait aux propos de Fanny Ardent, Emmanuelle Piet choisit le silence : « Je ne répondrais rien. Ces propos sont dans l’air du temps, ils sont nombreux à dire ça », explique-t-elle. « Il y a les propos du Président de la République, des attaques sur la Ciivise, sur le Haut Conseil à l’Égalité, sur le mouvement MeToo, ce n’est qu’une attaque de plus. Ce que j’entends, c’est : “Ça suffit les victimes, taisez-vous maintenant. On veut recommencer à se comporter comme des cochons.” »
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