Les capitales, un modèle d’anarchie orthographique

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Toutes les semaines, nous publions sa chronique “En un mot”, qui s’intéresse à “l’histoire, la puissance et la beauté du langage courant”.

Fin du VIIIe siècle, en Europe. L’Empire carolingien s’étend sur une bonne partie du continent, des frontières de l’Espagne à celle de la Serbie d’aujourd’hui.

Charlemagne désire convertir ses derniers sujets païens au christianisme et diffuser ses lois aux quatre coins de l’empire, mais la tâche est titanesque, car à cette époque, tous les textes sont encore recopiés à la main.

Les copistes élaborent alors une écriture cursive, faite de “petites lettres” [plus rapides à reproduire] : la minuscule caroline.

Au Moyen Âge, la confusion règne

Dorénavant, l’alphabet latin comporte deux formes pour chaque lettre, la majuscule (A, B) et la minuscule (a, b), que les scribes mélangent à l’envi – posant ainsi les jalons du recours aux capitales pour mettre en valeur certains mots.

Une moine copiste recopiant des manuscrits au Moyen Âge, chromolithographie du début du XXᵉ siecle.  Pour donner du relief à leurs textes, écrits en minuscules carolines, les moines ont “inventé” la majuscule. Qu’ils utilisent comme bon leur semble sans règle aucune.. Photo Leemage/AFP
Une moine copiste recopiant des manuscrits au Moyen Âge, chromolithographie du début du XXᵉ siecle. Pour donner du relief à leurs textes, écrits en minuscules carolines, les moines ont “inventé” la majuscule. Qu’ils utilisent comme bon leur semble sans règle aucune.. Photo Leemage/AFP

Les règles d’utilisation de la majuscule telles que nous les connaissons aujourd’hui ne seront toutefois établies que mille ans plus tard, et, au Moyen Âge, l’orthographe est complètement anarchique.

Les copistes sèment les majuscules comme bon leur semble, là où ils estiment qu’elles faciliteront la compréhension.

“Portrait de Martin Luther”, par Cranach l’Ancien, 1529. Dans sa traduction de la Bible, il commence à normaliser l’usage des majuscules en les utilisant pour mettre en relief les mots importants.. Photo Photo12/AFP
“Portrait de Martin Luther”, par Cranach l’Ancien, 1529. Dans sa traduction de la Bible, il commence à normaliser l’usage des majuscules en les utilisant pour mettre en relief les mots importants.. Photo Photo12/AFP

D’après de nombreux linguistes, il faut attendre le XVIe siècle, et la traduction de la Bible par Luther, pour voir apparaître les premiers signes de normalisation.

Dans cette version imprimée, chaque phrase et chaque vers commence par une majuscule, de même que les mots importants comme Gott (“Dieu”) ou Könige (“rois”).

La Bible de Luther (“Das Newe Testament Deutzsch”, en haut allemand précoce), présentée en mai 2022 lors d’une exposition à Eisenach, en Allemagne, pour les 500 ans de sa parution.. Photo Martin Schutt/dpa Picture-Alliance/AFP
La Bible de Luther (“Das Newe Testament Deutzsch”, en haut allemand précoce), présentée en mai 2022 lors d’une exposition à Eisenach, en Allemagne, pour les 500 ans de sa parution.. Photo Martin Schutt/dpa Picture-Alliance/AFP

Cela débouchera sur la généralisation de la majuscule au début de tous les noms communs en allemand… et sur une certaine confusion dans d’autres langues.

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