Camille Etienne : "Des milliers de personnes meurent aujourd'hui du dérèglement climatique mais personne n'en parle"

Elle est devenue la porte-voix des jeunes générations engagées pour l’environnement. A 23 ans, Camille Etienne a mis ses études à Sciences Po Paris entre parenthèses et se consacre à l’activisme "pour la justice sociale et climatique". La militante hyperactive raconte son combat à Yahoo et partage ses peurs mais aussi ses espoirs.

Depuis plus d’un an, Camille Etienne est partout : elle utilise les réseaux sociaux, elle se rend au Parlement européen avec notamment Greta Thunberg, elle participe à des manifestations et des débats, tout cela dans le but de convaincre les dirigeants de l’urgence de gérer la crise écologique.

"Quand les politiques nous disent que ce n’est pas possible, c’est faux"

"Ce qui me fait peur, c’est qu’aujourd’hui des milliers de personnes meurent du dérèglement climatique et que personne n’en parle", confie-t-elle. "On regarde ailleurs, par flemme, par confort, et nos dirigeants ne traitent absolument pas ça comme une urgence". Alors que face à d’autres crises, comme la pandémie de Covid-19, ils ont décidé d'actions radicales, rappelle-t-elle, évoquant les confinements mis en place dès mars 2020.

La jeune savoyarde se souvient que cette pandémie et le "monde d'après" qui devait lui succéder lui avaient donné "l’espoir qu’on se réveille". "Le paquebot lent du capitalisme" qu’on croyait inarrêtable avait été momentanément contraint au sur-place en 2020, avec "des avions cloués au sol, des entreprises fermées... Désormais, quand vous nous dites que ce n’est pas possible, c’est faux", lance-t-elle aux dirigeants au sujet des mesures pour l'environnement. "C’est simplement que vous ne voulez pas le faire".

"Assurer un avenir et un présent aux citoyens, c'est la base de la politique"

Pour la jeune activiste, l’écologie devrait être au cœur de l’action de l’État. "C’est la base de la politique d’assurer un avenir et un présent aux citoyens." Elle trouve le sujet trop peu présent dans les débats de la campagne présidentielle, alors que les Français le classe dans les thèmes prioritaires d’après des sondages. "On a envie de savoir si on va continuer ou pas à construire les conditions de notre propre extinction."

"Emmanuel Macron a échoué lamentablement sur tous les points"

À trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, Camille Etienne juge sévèrement le bilan du président sortant. "Emmanuel Macron a échoué lamentablement sur tous les points", tranche-t-elle. "Avec la convention citoyenne pour le climat, il avait devant lui un boulevard de légitimité démocratique, ces 150 mesures trouvées par des citoyens. Or il a décidé de ne pas les faire, cette décision est pour moi impardonnable", justifie-t-elle.

Elle assure que "si on doit encore avoir cinq ans avec Emmanuel Macron à la tête de l’État français, je lui demanderai de tenir sa parole pour une fois, et de mettre en œuvre ces mesures".

"L’écologie ou la mort, c’est de ça qu’il s’agit"

L’urgence de la crise environnementale, Camille Etienne la résume en une formule : "l’écologie ou la mort". "C’est de ça qu’il s’agit. À Madagascar, on est face à la plus grande famine liée au dérèglement climatique. Des personnes n’ont pas accès à l’eau potable, à un air pur".

Elle poursuit : "même en France 50.000 personnes meurent chaque année à cause de la pollution de l’air. C’est maintenant, c’est aujourd’hui, et ça arrive".

"Être radicale, ça veut juste dire aller à la racine du problème"

Consciente d’incarner pour certains une frange radicale du mouvement écologiste, la jeune femme défend cette approche. "C’est un mot qui fait très peur, mais être radical ça veut juste dire aller à la racine du problème".

"C’est exactement ce qu’il faut qu’on fasse, sinon on va se retrouver en gestion de crise constante. Face à la pandémie mondiale, si on n’est pas capable de s’attaquer à la cause, l’artificialisation des sols, alors on va devoir uniquement soigner les conséquences, et on aura des pandémies à répétition, puis ensuite d’autres catastrophes naturelles", prédit-elle.

"La nature a une capacité assez phénoménale à se régénérer"

Face à ce constat alarmant, est-il trop tard pour agir, pour sauver notre planète ? "Ce n’est pas comme ça que la question doit être posée", estime la militante. "Il n’est jamais trop tard pour que ça soit pire, comme le dit Aurélien Barrau" [un astrophysicien engagé pour l'écologie]. Mais Camille Etienne est convaincue qu’il y a encore de l’espoir : "la nature a une capacité assez phénoménale à se régénérer, à être résiliente. Quand on arrête de mettre des pesticides, des fongicides sur un sol, très vite on voit que la vie revient."

Même note d’espérance pour les générations futures, alors que de nombreux jeunes confient douter de vouloir avoir des enfants dans ce contexte de crise climatique. Si elle comprend leur angoisse, Camille Etienne suggère d’envisager le problème différemment. "Plutôt que de me poser uniquement la question de quelle terre je vais laisser à mon enfant, j’aime aussi me demander quel enfant je vais laisser à ma terre", sourit-elle, insistant sur le rôle de l'éducation.

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