Les CAF mènent-elles une « chasse aux pauvres » avec leur algorithme ? Le gouvernement dément

POLITIQUE - La Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) mène-t-elle une « chasse aux pauvres » ? La ministre déléguée chargée des personnes handicapées Fadila Khattabi a démenti tout ciblage ce mercredi 6 décembre lors des Questions au gouvernement, après des alertes de l’association de défense des libertés numériques la Quadrature du net.

« Depuis 2010, la Cnaf utilise un algorithme pour noter les ménages par un calcul secret. Note qui déclenche les contrôles au domicile. Les données de 33 millions de personnes sont ainsi brassées dans la plus grande opacité », s’est émue la députée écologiste Sophie Taillé-Polian en interpellant le gouvernement en séance, dénonçant « la stigmatisation des personnes les plus en difficulté » et « la dénonciation permanente d’une fraude sociale soi-disant massive alors qu’il est démontré qu’elle est marginale ».

Selon une enquête du Monde en collaboration avec le collectif de journalistes Lighthouse Reports, l’algorithme « n’a pas été conçu pour identifier des comportements suspects mais utilise des caractéristiques personnelles des allocataires, pour certaines discriminatoires, afin de leur attribuer un risque de fraude ». Ce « score de suspicion », selon les termes de la Quadrature du net, est calculé sur une liste de critères parmi lesquels le fait d’avoir un enfant à charge de 19 ans ou plus, d’avoir changé de loyer plus de 4 fois en un an et demi, d’être bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé ou encore le fait d’avoir un conjoint de plus de 60 ans.

« Les CAF et les contrôles qu’elles mènent sont au service des allocataires »

Conséquence, le risque d’être contrôlé à la suite d’un évènement comme un simple déménagement serait plus fort pour une mère de famille sans revenus que pour un couple plus aisé. Dénonçant une « chasse aux pauvres », Sophie Taillé-Polian a demandé au gouvernement « de faire toute la transparence sur les méthodes de calcul qui mènent à prioriser les contrôles » et à « écarter impérativement les critères discriminants ».

Mais Fadila Khattabi a démenti toute stigmatisation des plus pauvres. « L’action des CAF et les contrôles qu’elles mènent sont au service des allocataires. Elles n’utilisent pas d’algorithmes pour les surveiller mais plutôt pour identifier les dossiers pouvant présenter un risque d’erreurs et impliquer par la suite des difficultés pour les allocataires concernés », a-t-elle assuré comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de cet article.

Elle a défendu des contrôles « indispensables d’autant plus que certaines allocations font l’objet de nombreuses erreurs déclaratives ». Quant au ciblage dénoncé des personnes les plus précaires, la ministre déléguée estime que « les CAF versent un plus grand nombre d’aides aux personnes les plus en difficulté et il est logique que ces personnes soient surreprésentées parmi les risques d’erreurs ».

Cette justification fait écho à celle du directeur général de la Cnaf, Nicolas Grivel. Mais elle ne convainc pas le président socialiste du département de Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel, qui a saisi la Défenseure des droits. « Il s’avère que les critères retenus par l’algorithme ont une évidente portée discriminatoire à l’égard des populations les plus vulnérables et que celle-ci est d’autant plus importante dans un territoire qui cumule les difficultés socio-économiques comme la Seine-Saint-Denis », écrit l’élu socialiste dans une lettre à Claire Hédon datée de mardi.

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