"C’est une faute professionnelle de la Fédération internationale", s'indigne Ronan Labar, privé des JO après un incroyable imbroglio

Le communiqué de la Fédération Internationale de badminton est sorti aujourd’hui, confirmant l’erreur de calcul et donc entérinant les nouveaux classements. Comment vous sentez-vous?

C'est une journée encore plus difficile que les autres. On est retournés depuis trois jours donc je ne vais pas dire que je le suis plus mais je suis un peu plus déçu du communiqué qui a été publié par la Fédération Internationale. Parce que dans ce communiqué, ils reconnaissent une erreur de leur part, ils s’excusent en deux mots mais dire qu'ils s'excusent pour des athlètes de haut niveau qui sont en train de voir leur rêve de participation olympique à domicile ce n’est pas suffisant.

La Fédération internationale évoque l’oublie d’une règle dans ces calculs de points, vous comprenez?

C'est hallucinant. C'est surréaliste. On peut utiliser tous les superlatifs qui existent. C'est surtout une énorme faute professionnelle de leur part et sortir de cette faute professionnelle par un communiqué aussi court et aussi peu détaillé, à mon sens, c'est un peu décevant, même très. Très déshumanisant aussi. Ils imaginent pas du tout ce qu'ils nous font endurer.

Vous prenez cela comme une sorte de mépris?

Je n'irai pas jusque-là. Mais clairement, ils commettent une erreur avec des conséquences qui sont gravissimes pour nous. Mais ils n'ont pas de voies de sortie pour le moment et du coup ils sacrifient deux joueurs. Alors nous on espère qu'il y aura, peut-être, des voies de sortie pour que tout le monde soit gagnant dans cette histoire, avec une possibilité que la BWF octroie une wild card. Ce qui ferait que les deux paires françaises seraient qualifiées. C'est une idée que la Fédération Française est en train de soutenir. Mais la BWF n'en parle pas dans son communiqué.

De votre côté, quelles suites allez-vous donner à cette situation?

Avec Lucas, on a rencontré un avocat pour se renseigner sur les différentes options qui s'offrent à nous. Ce n’est clairement pas notre souhait de devoir mener des actions plus poussées. On aimerait que ça se gère en interne, dans notre sport, avec la fédération internationale, la Fédé française et qu'ils essayent de réparer leur erreur d'une manière qui pourrait convenir à tout le monde.

Vous gardez en tête qu’il y aura une issue à tout cela?

Il y a toujours une issue de secours. Si mes infos sont bonnes, jusqu'au 6 juillet, la liste des athlètes pour les Jeux Olympiques peut être modifiée. Donc jusqu'au 6 juillet moi j'y croirai. Je reconnais qu'on est un peu abattus. C'est dur. On est abattus parce qu'aussi nos proches le sont. Là je viens de retrouver mes parents que je n’avais pas vus depuis et ils sont effondrés, ma conjointe aussi. Ma fille, elle, ne sent pas compte. Je n'ai pas encore réfléchi comment lui expliquer que le « Bravo Papa » reçu il y a cinq jours n’est plus valable. Que papa ne peut pas y aller à cause d'une erreur de quelqu'un de la fédération internationale. On n’est pas résignés mais un peu abattus.

Les Jeux olympiques devaient être votre dernière compétition internationale. Avez-vous déjà pensé au fait que votre carrière se terminerait de cette manière…?

Pour l'instant non. Je passe ma journée au téléphone car on essaye de trouver des solutions. Mais c'est sûr que c'est un ascenseur émotionnel que personne ne peut comprendre. Mardi après notre défaite aux Europe, j'ai cru que c'était mon dernier match. Jeudi, à la suite de la défaite de Tomi et Christo Popov, j'étais aux anges en me disant que j'aurais la chance de faire encore quelques matchs à Paris pour les JO. Et maintenant, peut-être qu'il n'y aura plus de matchs. C'est dur. Si ça finit de cette manière c'est tout simplement horrible.

Avez-vous eu quelques échanges avec Toma et Christo Popov?

On n'a pas eu l'occasion d'échanger. On était sur une semaine de vacances. On ne s'est pas croisés. C’est une situation qui est délicate pour tout le monde. Ça l'est pour eux aussi. On aura l'occasion d'échanger très bientôt à ce sujet-là. Ça ne change absolument rien des relations que l'on entretient entre nous et la bonne entente qu'on a. Mais c'est clairement une situation que personne n'aurait voulu vivre.

De son côté, que vous dit la Fédération française?

La fédération française nous apporte tout son soutien, du moins émotionnel et psychologique. C’est une situation aussi très délicate pour eux parce que c'est une paire française qui souffre d'une erreur qui est en faveur d'une autre paire française. Ça serait plus facile pour la fédération si la situation était avec une paire étrangère qui se qualifie à notre palace. Où là ils seraient plus agressifs dans leur démarche. Là ils nous soutiennent. Ils vont porter le projet d'une wild card à la BWF. Maintenant c'est dans les mains de la fédération internationale.

Comment allez-vous gérer les prochains jours?

Il n'y aura pas de sérénité avant un certain temps, c'est évident. En tout cas pas avant d'avoir une décision finale sur cette situation. Et même une fois que la situation finale est donnée, s'il s'avère qu'on peut participer aux Jeux Olympiques, on pourra se reprojeter sur nos entraînements et notre préparation. Mais d'ici là ça va être dur. On a un match d'interclub demain, ça va être dur d'aller sur le terrain et d'avoir une grosse envie.

Dans une telle situation, vous avez besoin d’être avec vos proches surtout?

Surtout besoin de réponses. Même le temps avec nos proches est difficile parce qu'on est obligé d'aborder ce sujet. On se dit que c'est incroyable, qu'on vit quelque chose d'invraisemblable, qui n'est jamais arrivé et qui ne réarrivera jamais. Une erreur aussi énorme, ça se reproduire jamais. On se dit qu'on va peut-être être les seuls, dans l'histoire du badminton français, voire mondial, à subir les conséquences d'une telle erreur.

Ce n’est pas possible pour vous d’imaginer de ne pas aller aux JO?

On garde espoir mais c'est vrai qu'on imagine que ça puisse être le cas et que tout s'effondre. Que tous les efforts, les sacrifices qu'on met en place depuis trois ans avec Lucas et même quinze ans dans ma carrière internationale puissent être réduits à néants et balayés de la sorte par une erreur de calcul. Par soi-disant des professionnels de notre sport.

Article original publié sur RMC Sport