"C’était son but de me faire mal": au procès des policiers qui l'ont arrêté, Théo livre son témoignage
"Théodore Luhaka, 29 ans, je fais pas grand chose je reste à la maison et je suis handicapé". Au procès aux Assises de Seine-Saint-Denis des policiers responsables de son arrestation violente qui lui a causé des séquelles irréversibles à l'anus en 2017, la victime a une nouvelle fois accusé le gardien de la paix qui l'a blessé de l'avoir fait "volontairement".
Celui qui a été au coeur de "l'affaire Théo" a aussi raconté comment il s'était renfermé sur lui-même aux cours des années qui ont suivi l'agression.
"Celui qui s'est fait violer"
Près d'une semaine après l'ouverture du procès, il est à nouveau revenu sur le jour où il est passé du jeune homme athlétique qui "jouait au foot en Belgique dans un club" et qui "avait plein de projets" à celui qu'il est aujourd'hui: un presque trentenaire "handicapé" vu dans son quartier comme "celui qui s'est fait violer" et qui fait l'objet de "moqueries".
Ce 2 février, Théo Luhaka a été la cible de sept coups de matraque portés "d'estoc", selon le terme des experts auditionnés la semaine dernière, c'est-à-dire la pointe vers l'avant.
Il a raconté ce lundi lors de l'audience qu'avant l'arrestation, il était chez lui, en train de regarder une série, jusqu'à ce que sa soeur l'appelle pour lui demander un service. Sur la dalle de son quartier d'Aulnay-sous-Bois, il s'arrête pour saluer des connaissances et s'apprête à repartir lorsque les policiers arrivent. "Je connaissais la BST (Brigades spécialisées de terrain, NDLR), ils avaient la réputation de menotter les gens et de les frapper", raconte-t-il.
Coups et insultes
"Le policier arrive avec la matraque à la main. Je m’interpose car il s’en prenait à mon copain. Je voulais aller dans l’angle des caméras pour que tout le monde voit ce qui s’était passé", décrit-il. Il explique qu'il se débat et reconnaît donner un coup au policier.
Il est rapidement immobilisé et reçoit plusieurs coups. "À chaque fois je leur demandais pourquoi ils font ça et eux me répondait 'ferme ta gueule'", explique le jeune homme. C'est alors qu'il reçoit les coups de matraque au niveau de l'anus.
"La douleur était tellement forte, c’était son but de me faire mal", accuse-t-il.
Il décrit alors une deuxième scène de violences hors de portée des caméras et une violence continue jusqu'au commissariat avec insultes et des coups notamment.
"Je me suis senti abandonné"
Près de sept ans plus tard, Théo parle de cette journée comme celle qui a fait basculer sa vie. "Ce qui m’est arrivé m’a changé. J’étais beaucoup plus fragile, aigri". Il utilise aussi le terme "égoïste" car il explique qu'il avait l'impression d'être "le seul humain à souffrir". "Je me suis senti abandonné par des gens qui m’ont soutenu, par des amis car j’étais insupportable", explique-t-il. "La médiatisation au début je l’ai prise du bon côté. C’était une période de ma vie où j’avais tout ce que je demandais. J’ai réalisé quasiment tous mes rêves", raconte-t-il encore.
Mais à partir de 2019, il se replie sur lui-même. Il raconte sa poche, les séquelles physiques, son incontinence, les séances de rééducation. Il ne s’est pas soigné car selon lui "ça ne garantissait pas sa guérison".
Le verdict du procès est attendu le 19 janvier. Le gardien de la paix auteur des coups de matraque encourt 15 ans de réclusion criminelle.