"C'était casse-gueule": comment la BD culte "Zaï Zaï Zaï Zaï" a été adaptée au cinéma

Jean-Paul Rouve dans
Jean-Paul Rouve dans

C'est sans doute l'un des projets les plus risqués du moment: une adaptation cinématographique de la BD surréaliste de Fabcaro Zaï Zaï Zaï Zaï (en salle depuis le 23 février). Réputée inadaptable, l'œuvre a déjà réussi le passage au théâtre. Sa transposition au cinéma fonctionne tout aussi bien, mais trahit davantage le matériau de base, un hilarant road-movie où un dessinateur devient l'ennemi public un après avoir oublié sa carte de fidélité pour payer dans un supermarché.

Le défi a été relevé par François Desagnat, qui après plusieurs comédies potaches avec Michaël Youn (La Beuze, Les Onze Commandements) s'attaque à un registre plus burlesque de l'humour. "Zaï Zaï Zaï Zaï n'est pas impossible à adapter", rectifie-t-il auprès de BFMTV. Le Seigneur des Anneaux est plus compliqué à adapter! Zaï Zaï. Zaï Zaï, ce sont des situations du quotidien. Il y a un univers simple et épuré dans lequel j’étais libre de faire énormément de choses. Je n’'étais pas prisonnier d’un univers visuel ultra-fort."

La seule difficulté, précise-t-il, a été de trouver le "ton juste" avec les comédiens, dont Jean-Paul Rouve, qui incarne le héros. "J'ai immédiatement pensé à lui. Il a une connexion naturelle avec l’univers de Fabcaro. Jean-Paul avait comme tout le monde des doutes. Mais il a été convaincu par le scénario. L’univers du film lui a plu. On a plein de références en commun avec Jean-Paul et Fabcaro, un certain cinéma absurde réalisé par les Monty Python, Bertrand Blier et Luis Buñuel. On s'est appuyé dessus pour créer notre propre univers pour le film."

Absurde et burlesque

Sortir un film aussi absurde et burlesque relève d'un exploit en France. Depuis les années 1970, ce cinéma a un peu disparu de nos salles, et reste pratiqué par une poignée de cinéastes au succès plus ou moins confidentiel, comme Quentin Dupieux (Mandibules), Antonin Peretjako (La Fille du Quatorze Juillet), Jean-Christophe Meurisse (Oranges Sanguines).

"J’avais la chance de m’appuyer sur une œuvre qui avait convaincu beaucoup de monde et avait été un best-seller", note François Desagnat. "Tout le monde savait que c’était casse-gueule, mais il y avait une curiosité et une envie. Si la BD n'avait pas existé et que j’avais écrit ce scénario dans mon coin, je suis quasi sûr et certain que je n’aurais jamais pu le faire. Le succès de la BD montre malgré tout qu’il y a une envie pour ce genre d’humour."

Jean-Paul Rouve s'est effacé derrière le personnage. L'ex-Robin des Bois, qui cartonne avec Les Tuche, a accepté ce rôle parfois ingrat, qui laisse aux autres le soin d'être drôle. "C'est vrai que Rouve offre les parties de bravoure comique aux autres. Je lui en suis énormément reconnaissant", s'enthousiasme François Desagnat. "Son personnage subit la situation et amène beaucoup d’émotions dans le film. Dans ce film qui est très absurde, qui va très loin dans les vannes et le décalage, c’était important pour moi qu’il y ait aussi beaucoup d’émotions."

Bientôt une BD sur ... le film

Fabcaro a supervisé la création du film. "Comme on a inventé beaucoup de choses par rapport à la BD, c’était important que malgré tout il y ait un aval de sa part", indique François Desagnat. "On communiquait au fur et à mesure avec lui les nouvelles idées. On lui a fait lire les différentes versions du scénario. Il donnait une sorte de validation. À aucun moment, il n’aurait mis un véto, ce n’est pas sa personnalité, mais c’était important pour nous qu'il soit à l'aise avec les ajouts."

A l'inverse du Discours, autre adaptation de l'œuvre de Fabcaro sortie l'année dernière, Zaï Zaï Zaï Zaï reste fidèle à l'épure de la BD d'origine, et en reproduit habilement les scènes de gêne et de maladresse. "J’avais envie de retrouver à l’écran la poésie de Fabcaro", explique le réalisateur. "On a essayé de prolonger ce que fait Fabcaro en étant le plus sobre possible. C'est cette sobriété qui apporte ce rythme si particulier, et qui souligne en permanence de l’absurde."

Mais l'humour de Fabcaro, si spécifique aux codes de la BD, reste difficilement transposable à l’écran et certaines blagues de l'auteur n'ont pas pu prendre vie à l'écran. "C'était surtout pour des questions de scénario. On voulait que le scénario soit le plus cohérent possible." L'expérience du tournage de Zaï Zaï Zaï Zaï a été profitable à Fabcaro. Acteur le temps d'une scène dans le film, il racontera son aventure dans un album à paraître, révèle François Desagnant: "Ça lui a tellement mis la pression de jouer dans ce film qu’il en a fait des planches dans sa nouvelle BD, qui va sortir bientôt."

Article original publié sur BFMTV.com