César 2023 : les femmes réalisatrices ne sont « ni de passage, ni un effet de mode »

French filmmaker Alice Diop poses with the trophy after winning the Best First Film award during the 48th edition of the Cesar Film Awards ceremony at the Olympia venue in Paris on February 24, 2023. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)
EMMANUEL DUNAND / AFP French filmmaker Alice Diop poses with the trophy after winning the Best First Film award during the 48th edition of the Cesar Film Awards ceremony at the Olympia venue in Paris on February 24, 2023. (Photo by Emmanuel DUNAND / AFP)

CÉSAR - « Où sont les réalisatrices ? », interroge malicieusement Virginie Efira, sacrée meilleure actrice. Comme elle, de nombreuses lauréates de cette 48e édition des César ont profité de leur tribune pour célébrer les femmes réalisatrices, grandes oubliées des nommés et donc des vainqueurs de cette soirée marquée par le sacre de La Nuit du 12 de Dominik Moll.

C’est à la cinéaste Alice Diop qu’on doit sans doute le discours le plus fort de cette cérémonie. Récompensée d’un César du meilleur premier film pour Saint Omer, celle qui a bien failli représenter la France aux Oscars s’est dite « très, très fière d’appartenir à une nouvelle génération de cinéastes françaises » citant ses consœurs Rebecca Zlotowski, Mia Hansen-Love, Alice Winocour, Blandine Lenoir ou encore Claire Denis.

Et de lancer : « On ne sera ni de passage, ni un effet de mode ! On est appelées à se renouveler année après année, à s’agrandir... Merci les filles ». Devant la presse, en coulisses de l’Olympia où se tenait la soirée, la réalisatrice et visage du renouveau du cinéma français a poursuivi : « Le cinéma doit accompagner le progrès de la société. La voix des femmes est extrêmement importante. J’espère qu’on sera là encore l’an prochain et les années suivantes ».

Pour rappel cette année, et pour la première fois depuis près de dix ans, aucune réalisatrice n’a été nommée dans la catégorie meilleure réalisation. Or, nombreuses sont celles à s’être illustrées en 2022 dans les salles de cinéma avec les brillants Les Enfants des autres, Un beau matin ou Annie colère. Et seule Valeria Bruni Tedeschi (Les Amandiers) était en lice pour le César du meilleur film - finalement remporté par Dominik Moll pour La Nuit du 12.

« Elles me manquent »

Après qu’Alice Diop a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, la faible présence de femmes nommées lors des 48e César a été pointée tout au long de la cérémonie. « Je pense à toutes les réalisatrices qui auraient dû être célébrées ce soir », a déclaré Noémie Merlant, récompensée du César du meilleur second rôle féminin pour L’Innocent. « Elles me manquent », a conclu l’actrice révélée dans Portrait de la jeune fille en feu, film féministe à succès de Céline Sciamma.

« Ce prix c’est pour Maria [Schneider, héroïne de son court-métrage documentaire, ndlr] et toutes les femmes qui n’ont pas été entendues », a aussi placé la réalisatrice Élisabeth Subrin. Avant que Virginie Efira, dernier prix féminin de la soirée, ne lance un « où sont les réalisatrices ? » en cherchant des yeux Alice Winocour, à qui l’on doit le juste et touchant Revoir Paris. Puis de poursuivre : « Je vais étendre ce César aux autres réalisatrices, à Rebecca Zlotowski, merci pour Les Enfants des autres, à Anne, Catherine, Marion, Emmanuelle, et Justine Triet avec qui tout commence et tout s’ouvre pour moi. »

La société stagne, les César aussi

Dans une étude publiée le mardi 21 février, le Collectif 50/50 rappelle que de toute l’histoire des César, seule une femme a remporté la statuette de la meilleure réalisation : il s’agit de Tonie Marshall pour Vénus Beauté, en 2001. Tandis que l’invisibilisation des femmes est tout aussi dramatique dans les autres professions du cinéma, des scénaristes aux compositrices.

Irène Dresel (César de la meilleure musique pour À plein temps) a d’ailleurs dédié son prix « à toutes les compositrices de musique de films ». L’occasion de rappeler qu’en 48 ans, seules 5 femmes ont été nommées dans cette catégorie, qu’elle est la première à l’avoir remporté.

Il convient de rappeler que les nominations et le palmarès résultent d’un vote en deux tours de quelque 4700 professionnels du cinéma dont l’identité n’est pas publique. Des membres désormais composés à 44 % de femmes, comme se plaît à préciser l’Académie qui concède constater « avec regrets » le manque de femmes nommées.

Pour Audrey Dana, la réalisatrice de Sous les jupes des filles, « ces nominations reflètent une société patriarcale. Lorsqu’on pense aux meilleurs films, on pense forcément à des bonshommes, c’est sûr et certain ». Même son de cloche du côté du Collectif 50/50 selon qui « si l’espace médiatique et public permet désormais aux voix féministes de s’exprimer, la société stagne encore ». Et les César aussi.

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