Des câbles vivants vont dépolluer les sols

Ils assainissent les sédiments aquatiques, dégradent les hydrocarbures et conduisent le courant presque aussi bien que le métal : à peine découverts, les câbles bactériens n'en finissent plus d'étonner ! Rencontre avec ces filaments de microbes pas comme les autres.

Cet article est extrait du mensuel Sciences et Avenir - La Recherche n°903, daté mai 2022.

Une eau littorale toxique, du méthane relargué par les champs de riz, une marée noire : voici trois pollutions a priori sans rapport entre elles, mais qui pourraient être traitées par une approche totalement inédite : le déploiement de "câbles bactériens", des microbes singuliers dont les scientifiques commencent à peine à percer les secrets. "Les câbles bactériens ne sont connus que depuis dix ans ", raconte Filip Meysman, professeur de biologie à l'Université d'Anvers (Belgique) et pionnier de l'étude de ces organismes. Mais depuis leur découverte, ces bactéries de la famille des Desulfobulbaceae ont été repérées dans toutes sortes de sédiments aquatiques à travers le monde, avec une densité pouvant atteindre 60.000 filaments par cm² ! "On les trouve en particulier dans des sédiments riches en matière organique et oxygénés en surface, mais anoxiques (pauvres en oxygène, ndlr) et chargés de sulfure d'hydrogène (H2S) dissous en profondeur ", détaille Sairah Malkin, professeure de biologie à l'Université du Maryland (États-Unis) et spécialiste de biogéochimie aquatique.

Leur originalité ? Ces bactéries vivent uniquement sous la forme de longs filaments de clones, regroupant jusqu'à 10.000 cellules génétiquement identiques par câble. À raison de 3 micromètres (µm) par bactérie, ces chapelets de cellules atteignent 3 cm de long… et conduisent l'électricité ! C'est d'ailleurs cette incroyable particularité qui a permis à Lars Peter Nielsen, professeur de biologie à l'Université d'Aarhus (Danemark), de les déceler. "Au cours d'expériences de biogéochimie, nous avons découvert par hasard que les teneurs en oxygène et en sulfure d'hydrogène évoluaient de concert malgré leur séparation dans des sédiments marins ", se rappelle Lars Peter Nielsen. L'oxygène, plus précisément du dioxygène (O2) en surface du sédiment, consommait des électrons - on parle de réduction -, tandis que l'oxyda[...]

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