Le business des influenceurs bientôt encadré par une loi

Sur les réseaux sociaux, les influenceurs faisaient à peu près ce qu’ils voulaient avec la publicité du moment qu’ils n’étaient pas dénoncés. Mais ce temps semble bientôt révolu.
Sur les réseaux sociaux, les influenceurs faisaient à peu près ce qu’ils voulaient avec la publicité du moment qu’ils n’étaient pas dénoncés. Mais ce temps semble bientôt révolu.

INTERNET - « Le Net, c’est pas le Far-West », voulait croire il y a quelques jours encore Bruno Le Maire, en première ligne sur le dossier de la régulation des influenceurs en France.

Le ministre de l’Économie a présenté ce vendredi 24 mars un guide de bonne conduite, fruit de plusieurs mois de travail et de consultation citoyenne pour donner un cadre strict et légal au business des influenceurs, trop souvent pointés du doigt pour leurs pratiques nébuleuses sur les réseaux sociaux, entre publicités douteuses, partenariats déguisés et soupçons d’arnaques.

Ces propositions prennent la forme d’un guide de bonne conduite d’une quinzaine de pages disponible sous forme de site web qui doit permettre à chaque influenceur de connaître ses obligations fiscales, sociales et réglementaires. Les mesures trouveront aussi une traduction dans la proposition de loi transpartisane des députés Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (PS).

Le HuffPost fait le point sur ce que va changer ce texte discuté dès la semaine prochaine au Parlement et qui risque de mettre un sacré coup d’arrêt à certaines (mauvaises) habitudes des influenceurs.

  • Qu’est-ce qu’un influenceur ?

La loi précisera qu’un influenceur désigne « toute personne physique ou morale qui crée et diffuse, à l’intention du public français, par un moyen de communication électronique, des conseils ou contenus faisant la promotion, directement ou indirectement, de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ».

Selon cette définition, un créateur de contenu qui touche la moindre contrepartie financière ou en nature pour faire la promotion d’une marque, deviendra un influenceur. Une définition juridique de l’agence d’influenceur va également voir le jour.

Loin d’être systématique entre les marques, les agences et les influenceurs, l’utilisation de contrats va devenir obligatoire « dès lors qu’il y a une prestation économique d’influence commerciale ». La forme du contrat restera cependant souple, du moment qu’il garantit les droits des influenceurs.

  • Et pour les mineurs ?

Si le nombre de 150 000 influenceurs est avancé, certains sont très jeunes ; les mineurs de moins de 16 ans devront désormais obtenir « un agrément préalable auprès des services de l’État » pour être employé par une entreprise spécialisée dans l’influence commerciale. Ils ne pourront toucher immédiatement que 10 % des revenus, le reste restant consigné jusqu’à leur majorité.

Entre 16 et 18 ans, deux options s’offriront aux jeunes influenceurs. La première est de « créer et gérer une société unipersonnelle ou reprendre et gérer une entreprise individuelle à responsabilité limitée » dans ce secteur. La seconde consiste à devenir « employé par une entreprise exerçant une activité d’influence commerciale », avec signature du contrat de travail par les parents.

  • Haro sur la pub, notamment pour la chirurgie

Sujet particulièrement discuté, la publicité va logiquement être mieux encadrée. Comme cela est déjà le cas dans la rue, à la télévision ou à la radio, les règles en vigueur sur l’alcool, le tabac, les produits financiers, certains dispositifs médicaux ou les paris sportifs s’appliqueront également pour les publications d’influenceurs sur leurs réseaux sociaux.

Une décision spécifique a été prise concernant les publications vantant la chirurgie esthétique, devenue monnaie courante avec certains influenceurs issus du milieu de la téléréalité. Sur ce sujet, Bruno Le Maire s’est montré particulièrement ferme en décidant d’interdire complètement la promotion de cette pratique. Le ministre envisage même un élargissement de cette décision « pour d’autres canaux de communications » ; charge au Parlement de trancher sur le sujet de la chirurgie esthétique dans les prochains jours.

  • Chasse aux filtres et retouches

Autre fléau contre lequel s’attaque la loi : l’usage des filtres et retouches pour améliorer artificiellement son apparence. Pour lutter contre ce que Bercy qualifie d’« effets psychologiques dévastateurs pour l’estime et l’image des internautes, en particulier les plus jeunes », les influenceurs auront pour obligation d’indiquer toute utilisation de filtre ou retouche lors de la publication de contenu qui auront recours à ces techniques. Comme cela se fait déjà dans le domaine de la pub.

  • « Brigade de l’influence commerciale »

L’une des seules annonces à effet immédiat est la création d’une équipe dédiée de 15 enquêteurs spécialisés, au sein de la DGCCRF. Cette brigade chargée de surveiller les réseaux sociaux pourra adopter des sanctions, faire fermer des comptes et saisir si nécessaire la justice en cas de manquement.

Les influenceurs risqueront de nouvelles sanctions en cas de publicité dissimulée par exemple : jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Le site Signal Conso est dès à présent adapté pour recevoir les signalements des consommateurs, avant qu’une application mobile ne voit le jour dans les prochaines semaines.

  • Impliquer les plateformes comme TikTok ou Instagram

Un protocole d’engagements réciproques va être signé entre les plateformes et les autorités de surveillance pour traduire le nouveau cadre réglementaire proposé par Bercy.

TikTok, Instagram ou Snapchat devront rendre plus lisible le caractère commercial d’une publication et rendre plus clairs les canaux de signalements à la disposition des utilisateurs souhaitant faire remonter une dérive.

Le ministre a d’ailleurs donné rendez-vous aux plateformes dans six mois pour vérifier la bonne mise en œuvre de ces mesures.

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