BUSINESS 2024: pourquoi l'offre de lignes de transports pour les JO a été revue à la baisse

Depuis plusieurs années, c'est l'autre course contre la montre menée en parallèle de la préparation stricto sensu des Jeux olympiques et paralympiques 2024 : les chantiers du réseau de transports francilien. En 2015, le dossier de candidature de la France prévoyait de profiter de nouvelles lignes de métro pour faciliter la circulation des millions de visiteurs attendus et afin d'offrir des alternatives aux axes déjà existants pour la desserte de sites olympiques.

Neuf ans plus tard, la réalité a rattrapé les prévisions hautement ambitieuses de Paris 2024 et les différents acteurs ont dû revoir leur plan de transports en vue de l'évènement. Après un premier épisode consacré à la hausse du budget des Jeux olympiques et paralympiques, notre série "Business 2024" explore cette problématique cruciale des transports dans son second volet.

"Colonne vertébrale des Jeux"

Il y a un mois presque jour pour jour, Valérie Pécresse organisait une conférence de presse au siège de la région Île-de-France dont l'investissement dans les JOP s'élève à un demi-milliard d'euros. Egalement à la tête d'Île-de-France Mobilités (IDFM), la présidente de la Région francilienne avait consacré une large partie de cette conférence à la question des transports, se vantant de présenter "les premiers Jeux 100% accessibles en transports décarbonés." Elle avait également mis en avant l'accélération de certains chantiers de transports au cours des dernières années :

"Sans l'arrivée des Jeux, jamais nous n'aurions tenu les délais d'ouverture des prolongements de la ligne 14 et du RER E : nous allons les tenir in extremis."

Le prolongement du RER E de la gare Saint-Lazare à Nanterre La Folie à l'ouest de Paris - non loin de la Défense Arena reconvertie en piscine pour les épreuves de natation - doit être mis en service le mois prochain mais avec seulement quelques navettes en heures creuses. De son côté, le prolongement de la ligne 14 au nord jusqu'à Saint-Denis Pleyel et au sud vers l'aéroport d'Orly sera inauguré lors de la deuxième quinzaine de juin. Un axe que Valérie Pécresse qualifie volontiers d'"épine dorsale" ou de "colonne vertébrale des Jeux". La ligne 14 doit en effet permettre aux voyageurs de relier Orly au centre-ville de Paris en seulement 25 minutes mais elle doit aussi être une alternative au métro 13 et aux RER B et D pour se rendre au Stade de France ou au village olympique.

Le Covid et les confinements, premiers éléments perturbateurs

Alors que plus de 15 millions de visiteurs sont attendus pendant les Jeux olympiques et paralympiques, la ligne 14 sera capable de transporter un million de personnes chaque jour, soit deux fois plus qu'aujourd'hui. Les ouvriers s'activent donc sur le chantier décisif du terminus Saint-Denis Pleyel, une gare qui aurait en fait dû abriter trois lignes en vue des JOP. Dès la phase de candidature, le projet olympique parisien a été rattaché à un programme de transports titanesque né à la fin des années 2000: le Grand Paris Express.

Réalisé par la Société du Grand Paris, aujourd'hui Société des grands projets (SGP), le Grand Paris Express consiste à relier pas moins de 68 nouvelles gares grâce à plus de 200 kilomètres de voies ferrées supplémentaires en Île-de-France. En doublant la longueur du réseau métropolitain actuel, le Grand Paris Express doit connecter les banlieues franciliennes entre elles pour notamment désengorger les axes existants qui traversent la capitale. En plus du prolongement de la ligne 14, il se traduit par quatre nouvelles lignes de métro auxquelles s'ajoute une liaison annexe entre Gare de l'Est et l'aéroport de Roissy, le CDG Express.

Dans le dossier de candidature figuraient la partie sud de la ligne 15 mais aussi les lignes 16 et 17 qui passent à proximité du village des médias en Seine-Saint-Denis, la dernière desservant même le parc des expositions de Villepinte où ont lieu les épreuves de boxe. A l'instar de la Solideo avec les ouvrages olympiques, la SGP a toutefois essuyé d'importants retards au cours des dernières années comme l'explique Bernard Cathelain, l'un des membres de son directoire : "L'élément perturbateur premier, c'est le confinement et le Covid. On était dans des phases de chantiers qui ont été désorganisées et qu'il a fallu réordonner pour pouvoir les continuer efficacement. Il y a eu d'autres facteurs comme la pénurie de matériaux qu'on a su surmonter."

"On a effectivement déploré des accidents sur les chantiers mais c'était toujours dans des phases qui n'étaient pas critiques [...] donc ça n'a pas eu d'effet particulier sur le calendrier. C'est d'abord le Covid et ensuite le fait qu'il y ait des imprévus dans un chantier de génie civil : le sous-sol parisien est complexe et cela a aussi eu un effet sur les délais."

Aujourd'hui, la Société des grands projets ne prévoit pas d'achever l'ensemble des quatre nouvelles lignes du Grand Paris Express avant 2031.

L'offre estivale de transports rehaussée de 15%

Dans un contexte de difficultés accrues sur plusieurs lignes de métro et de RER depuis la fin de la pandémie, le report de la livraison d'un projet d'une telle ampleur a forcément de quoi interroger. Pourtant, Île-de-France Mobilités se montre plutôt confiante sur la capacité du réseau existant à absorber les importants flux de voyageurs prévus cet été. "La candidature des Jeux s’est intégrée dans un système de transports en commun qui était déjà en pleine explosion, révolution et modernisation", rappelle Grégoire de Lasteyrie, vice-président d'IDFM.

"On n’a pas du tout conçu un système de transports en commun pour les Jeux olympiques. Ils sont venus se greffer sur un système déjà extrêmement dense, dynamique et en renouvellement."

Selon le représentant de l'autorité organisatrice des déplacements en région parisienne, le chantier de la ligne 14 était d'ailleurs le seul chantier véritablement indispensable dans le cadre des JOP. Outre ce prolongement, IDFM compte surtout sur le renforcement de l'offre de transports de 15% par rapport à un été classique lors de l'évènement grâce aux récentes campagnes de recrutement massif de la SNCF et la RATP. "On a vraiment repensé les offres et derrière ce 15%, va pouvoir se cacher des lignes bien plus renforcées qui vont être à plus de 60%, précise Grégoire de Lasteyrie. D’autres lignes ne vont peut-être pas être renforcées parce que l’offre d’été ne pose pas de questions étant donné qu’il n’y a pas d’épreuves dans ce coin-là ou de logements d’athlètes."

Pas de gratuité des transports

Cependant, le Grand Paris Express n'est pas la seule promesse du dossier de candidature à laquelle Paris 2024. Le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques a aussi dû faire une croix sur l'un des points forts de la candidature parisienne à savoir la gratuité des transports. Île-de-France Mobilités a pris la décision de faire supporter le coût du rehaussement de l'offre estivale de transports aux "visiteurs olympiques" plutôt qu'aux Franciliens détenteurs de cartes d'abonnement : ce qui se traduira entre autres par un doublement du prix du ticket unique et des carnets durant l'été.

"Je suis francilien, j’habite en grande couronne et je n’ai pas spécialement envie quand je paye mon pass Navigo tous les mois de payer pour les touristes qui vont venir voir les JO pendant un mois et demi", admet Grégoire de Lasteyrie.

Mais au-delà de ces promesses non tenues, plane toujours le risque d'une grève dans les transports en commun à l'occasion des Jeux. Alors que les négociations sont encore en cours entre les directions de la RATP et de la SNCF et les syndicats, Emmanuel Macron a s'est montré serein au sujet du respect d'une trêve olympique mi-avril. "J'ai confiance dans les syndicats, ils ont l'esprit de responsabilité et seront à nos côtés", avait estimé le chef de l'Etat au micro de BFMTV.

Article original publié sur RMC Sport