BUSINESS 2024. Comment les Jeux olympiques de Paris dopent l'activité économique à Marseille

Entre 6,7 milliards et 11,1 milliards d'euros avec un scénario central proche des 9 milliards d'euros. Cette fourchette représente la dernière estimation de l'impact économique des Jeux olympiques et paralympiques en Île-de-France selon une étude commandée par le comité d'organisation et le CIO auprès du Centre de droit et d'économie du sport (CDES). À l'occasion de la présentation de ce rapport mi-mai, le responsable des études économiques au CDES Christophe Lepetit avait toutefois souligné que, malgré ce périmètre géographique, il était fort probable que des "touristes olympiques" en profitent pour visiter d'autres parties de l'Hexagone et y génèrent ainsi de l'activité économique.

Et une ville en particulier a récemment eu la démonstration concrète de ces retombées économiques régionales des Jeux. L'arrivée de la flamme olympique en France le 8 mai dernier a réuni à Marseille quelque 150.000 personnes et engendré plusieurs millions d'euros d'activité pour le tissu économique local. A cette occasion, la cité phocéenne est le théâtre du troisième épisode de notre série "Business 2024" consacré au boost d'activité offert par les JOP en région.

Près de 200 millions d'euros de retombées économiques

Entre les épreuves de voile et les dix matchs de football au stade Vélodrome, dont deux demi-finales des tournois masculin et féminin, Marseille sera l'un des hauts lieux des Jeux 2024. Au moins 400.000 visiteurs sont attendus durant la quinzaine, mais en cas de compétitions à guichet fermé, ce sont plus de 660.000 spectateurs qui pourraient se rendre dans la cité phocéenne. De quoi anticiper entre 150 et 200 millions d'euros de retombées économiques pour la deuxième ville de France et son territoire si on se fie au succès qu'avait déjà été l'Euro 2016 et ses 180 millions d'euros d'activité générée. Vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie d'Aix-Marseille-Provence, Jean-Daniel Beurnier rappelle notamment que "la dépense moyenne d'une personne extérieure sur le territoire marseillais est de 200 euros" :

"Cela va faire un environnement de personnes extrêmement important qui ne viennent pas que pour la journée. On le voit déjà pour la flamme: il y a des réservations de deux-trois jours et c'est un week-end prolongé donc les gens en profitent pour visiter l'arrière-pays, faire quelques musées."

Au-delà des prévisions chiffrées, l'adjointe au maire en charge de l'économie Laurent Lhardit insiste sur l'enjeu d'image que revêt le contexte olympique pour l'attractivité de la ville. "On sait qu'avec la flamme et pendant les Jeux olympiques, ce sont des images magnifiques de Marseille qui vont exister, qui vont montrer cette ville dans le monde entier, explique le nouveau président de l'Office de tourisme marseillais. Il y a une espèce d'effet de trend qui fait que la fréquentation de la ville et la curiosité pour une ville sont fortement augmentées grâce aux Jeux olympiques parce que les gens entendent parler de Marseille et découvrent des images qui vont sans doute leur donner envie de venir visiter la ville."

Mobiliser l'ensemble du tissu économique local

Depuis l'attribution officielle des Jeux 2024 à Paris et l'élaboration de la carte des sites olympiques, l'un des objectifs majeurs des représentants du monde économique marseillais a été de faire profiter du sursaut d'activité occasionné par l'évènement à l'ensemble du tissu local. C'est en ce sens qu'a été créé le club AMP24 à l'automne 2022 qui fédère aujourd'hui près de 400 entreprises. "On a fait des réunions spécifiques pour faire partager l'ensemble de ces appels à manifestation d'intérêt et ces appels d'offres qui ont eu lieu car il y a beaucoup de PME et d'ETI", indique le président du Club AMP24 Jean-Daniel Beurnier.

Aux côtés de grands groupes, des TPE et PME du sud de la France ont ainsi participé au chantier de la marina du Roucas-Blanc où se dérouleront les épreuves de voile tandis que l'agence d'architecture d'urbanisme et de paysage Rougerie+Tamgram a été sélectionnée pour réaliser le site. Des acteurs de l'économie sociale et solidaire ont également été mis à contribution à l'image de l'usine Fil Rouge que Decathlon a sollicité pour fabriquer plus de 100.000 tee-shirts à destination des 45.000 volontaires. "Le premier défi était en termes de volumétrie, insiste la directrice du développement Annie Carrai. Dès qu'on a eu l'accord de Decathlon sur cette commande, on a fait 40 embauches supplémentaires pour mettre au point un atelier dédié."

"Quand on est positionné à Marseille et que tout le monde pense que la fabrication française n'existe pas, je pense que c'est une réelle vitrine pour montrer que fabriquer français est possible aujourd'hui."

Des millions d'euros pour de vastes projets d'aménagement

À l'instar de la capitale, les Jeux olympiques ont facilité le déblocage de fonds pour financer plusieurs projets d'aménagements à commencer par les quelque 50 millions d'euros injectés dans la marina afin, entre autres, de la mettre aux normes des compétitions internationales. En dehors du strict cadre de l'évènement, ce sont 250 millions d'euros qui ont été consacrés à la modernisation du terminal de l'aéroport Marseille Provence.

Après la visite du pape François et les nombreuses rencontres de la Coupe du monde de rugby à l'automne dernier, les Jeux olympiques s'inscrivent dans la volonté de Marseille de devenir "une capitale économique européenne" selon les mots de Laurent Lhardit : "Nous sommes probablement aujourd'hui la première ville française après Paris à pouvoir ambitionner d'avoir enfin un tourisme à l'année. Aujourd'hui, on a déjà une saison touristique moyenne et haute qui est sur environ 8 mois." Cette gestion de l'accueil des visiteurs s'accompagne également de problématiques relatives aux risques de surfréquentation, notamment dans les calanques dont l'accès est limité en période estivale.

"Sur le Vieux-Port, les plages et à Notre-Dame-de-la-Garde, il y a des périodes avec beaucoup de monde et la stratégie municipale consiste à faire découvrir l'entièreté de Marseille qui fait deux fois et demie la taille de Paris intra-muros. Le but est de lisser et répartir la fréquentation sur l'ensemble de la ville."

A moins de deux mois du premier match de football au stade Vélodrome entre les Bleus et les Américains, Jean-Daniel Beurnier de la CCI d'Aix-Marseille-Provence se projette sur l'héritage de l'évènement, évoquant déjà la piste d'un "Club AMP30" : "Notre région aura peut-être demain la chance d'accueillir les Jeux olympiques d'hiver en 2030 et il y aura une continuité pour les six prochaines années en termes d'animation."

Article original publié sur RMC Sport