"Buffy contre les vampires", pourquoi la série culte des années 90 est plus actuelle que jamais

Un essai revient sur les nombreux niveaux de lecture de Buffy contre les vampires. La série culte de Joss Whedon a fait date, comme en témoigne le rayonnement qu'elle conserve 20 ans après son arrêt.

Il y a 20 ans que Buffy a planté son dernier pieu dans un vampire. Le programme américain culte signé Joss Whedon a tiré sa révérence en 2003 à l'issue de sept saisons; autant d'années de diffusion au cours desquelles l'actrice Sarah Michelle Gellar a donné vie à ce personnage de jeune femme dotée d'une force surhumaine, élue par des forces surnaturelles pour protéger l'humanité en combattant le mal.

Vingt ans après, Buffy contre les vampires, aujourd'hui disponible sur Disney+ après avoir captivé chaque samedi soir les téléspectateurs de M6, inspire encore. La journaliste Marion Olité vient de publier Buffy ou la révolte à coups de pieu (Playlist Society), un essai dans lequel elle s'emploie à mettre au jour les différents niveaux de lecture du programme.

Hasard du calendrier, un autre essai français sur Buffy contre les vampires est sorti cette semaine (Buffy, baroque épopée, Mnemos Editions). L'auteur Fabien Clavel y explore l'esthétique et la complexité des thèmes de la série.

Outre-Atlantique, les aventures de la tueuse de vampires se poursuivent depuis l'arrêt de la série sous forme de BD. Et mi-septembre, la plateforme Audible a annoncé un podcast narratif tiré du programme, auquel de nombreux acteurs de la série participeront. Au royaume des séries, Buffy, ses amis et leurs démons restent rois.

La reconnaissance des critiques lui donne raison. Buffy contre les vampires apparaît dans les classements des meilleures séries de tous les temps de Rolling Stone, du Guardian ou encore d'IGN. TV Line lui a même réservé la première place de sa sélection des meilleures séries pour adolescents de l'histoire, devant les non-moins cultes Dawson et Gossip Girl ou les bien plus récentes Sex Education et Euphoria.

Il a fallu plus que des pieux dans le cœur et des intrigues teenager pour laisser une telle trace dans la pop culture. Entre métaphore du passage à l'âge adulte et sous-texte féministe, la série, comme ses vampires, n'a pas vieilli.

Métaphore des épreuves de l'adolescence

Lorsque le programme débarque sur la chaîne américaine The WB en 1997, rien ne laisse penser qu'un classique se prépare: la série Buffy contre les vampire est à l'époque une resucée d'un film de série Z sorti cinq ans plus tôt sans déchaîner les foules. Mais les téléspectateurs répondent présents et, lorsque la saison 2 vient complexifier l'intrigue et étendre l'univers, la critique suit.

En France pourtant, où les productions sérielles ont peiné plus longtemps à être prises au sérieux, les sept saisons n'ont pas suffi à panthéoniser la super-héroïne. C'est le constat que dresse Sarthman, un fan qui tente de la réhabiliter dans l'Hexagone avec son podcast Pourquoi Buffy c'est génial depuis presque dix ans.

"Chez nous, elle a été très mal marketée", déplore-t-il auprès de BFMTV.com. "On l’a présentée comme une simple série pour ados, alors qu'elle va bien au-delà."

"L'idée de base de Buffy, c’est d’utiliser les démons comme métaphore des épreuves que les adolescents doivent surmonter, des étapes qu'ils doivent franchir pour devenir adultes", poursuit-il. "Il y avait une vraie qualité d'écriture et de réalisation."

"Une série sur les outsiders"

Et des démons, Buffy en combattait autant dans les cimetières qu'entre les cours. Sa force hors du commun et sa réputation de délinquante en faisaient la bête noire de ses camarades, aux côtés de ses amis tout aussi perdus, Willow l'intello (Alyson Hannigan) et Alex le cancre (Nicholas Brendon): "C'est une série sur et pour les outsiders", décrypte Marion Olité.

Et si le temps n'est pas parvenu à la faire tomber dans l'oubli, c'est parce que les thèmes que les scénaristes ont explorés au travers de cette anti-héroïne résonnent toujours autant avec l'actualité.

À la faveur d'une révolution sociétale

En 2017, lorsque l'affaire Weinstein entraîne une prise de conscience mondiale sur les violences faites aux femmes, la vague #MeToo soulève aussi des questions sur la place que la culture populaire a laissée à ces dernières.

"La critique s'est mise à fouiller dans les archives pour trouver des exemples de personnage féminins forts, de modèles", raconte Marion Olité. "Et l'héroïne des années 1990-2000, le symbole d'émancipation féminine, c'était Buffy. Il n'y a pas beaucoup d'autres exemples."

Le pitch de base, en lui-même, était né d'une envie de Joss Whedon de renverser un tropisme cher au cinéma d'épouvante: "Cela fait des années que je vois des blondes écervelées s'aventurer dans des allées sombres et se faire tuer par des créatures", confiait-il au lancement de la série à Time Magazine. "Je voulais voir un film dans lequel une blonde s'aventure dans l'allée sombre, se débrouille toute seule et déploie ses pouvoirs."

Sus aux vampires (et à la domination masculine)

Au fil des saisons, le créateur poussait plus loin le pied-de-nez, en confrontant son héroïne aux grandes étapes de sa jeune vie, maquillées d'une couche de surnaturel: "C'était l'une des premières séries à traiter du passage à l'âge adulte à travers les yeux d'une fille", se souvient Marjolaine Boutet, historienne et autrice de Les Séries télé pour les nuls.

Vingt ans avant que les concepts de féminisme et de sororité n'infusent dans les productions pop-culturelles, Buffy défonçait les portes fermées avec autant de naturel qu'elle décochait ses coups de pied: "Son accomplissement n'était pas de trouver l'homme de sa vie. Au contraire: c'est dans le partage de ses connaissances avec d'autres jeunes filles qu'elle finit par trouver son salut."

La coqueluche des universitaires

Marion Olité n'est pas la première à se poser des questions sur les différentes dimensions de Buffy contre les vampires. Si la littérature française autour du sujet est rare, les universitaires américains ont produit force livres et papiers d'analyse depuis 25 ans.

"Une vingtaine d’essais, et en tout au moins 200 textes sont parus", énumère Marion Olité. "Avec des perspectives féministes mais aussi sociologiques, philosophiques, morales, queers... Ça a évidemment participé à crédibiliser la série."

Le phénomène est loin d'être marginal: une étude réalisée par Slate en 2012 rapportait que Buffy contre les vampires était la franchise pop culturelle la plus étudiée par les universitaires américains, devant des monuments tels que Matrix, The Wire, Alien et Les Simpson. Si bien que les spécialistes des "cultural studies", ces sciences de la pop culture, parlent de Buffy studies, devenues un sous-genre à part entière. Elles sont chapeautées par la Association for the Study of Buffy, qui continue à publier sous forme de périodique les plus récents papiers académiques autour de la série.

"Une nouvelle fin du monde"

La spécialiste avance une autre raison pour laquelle les luttes de Buffy trouvent encore un écho dans la société actuelle: "La fin des années 1990, c'était la fin du monde. On changeait de millénaire, on commençait à découvrir le numérique, on parlait du bug de l'an 2000."

"25 ans plus tard, on est en train de vivre une nouvelle fin du monde potentielle, notamment avec la menace écologique. À nouveau, les possibilités infinies du numérique nous questionnent. Nous avons vécu une pandémie mondiale. Les apocalypses que Buffy parvient à repousser nous font plus que jamais peur aujourd'hui, et c'est réconfortant de voir une super-héroïne à la boussole morale indéfectible, qui nous dit: 'On va s'en sortir tous ensemble, si on s'écoute et si on prend soin les uns des autres'."

"Le propos sur l'adolescence, sur la découverte de la sexualité, sur la découverte de soi, reste extrêmement pertinent", abonde Marjolaine Boutet. "Certains épisodes restent des classiques."

Et ce malgré les récentes accusations d'abus de pouvoir et de harcèlement moral qui ont émergées contre Joss Whedon, mises au jours par Charisma Carpenter, l'une des stars de la série. "Les fans se sont réapproprié l'histoire de Buffy", analyse Marion Olité. "Elle a échappé à son créateur."

Ainsi, les événements autour de la série se multiplient, avec ou sans Whedon. Les acteurs parcourent encore aujourd'hui les conventions pour aller à la rencontre des fans - une convention exclusivement consacrée à la série, intitulée Slay The Vampire 5, aura lieu en banlieue parisienne en novembre prochain. Un projet de reboot, annoncé en 2018 et mis en pause l'an passé, n'a pas encore été officiellement annulé.

"C'est une véritable mythologie qui a été créée, au même titre qu'avec Harry Potter ou Star Wars", conclut la spécialiste. "Et comme ces franchises, je pense que Buffy connaîtra encore des renouvellements dans 20 ans."

Article original publié sur BFMTV.com

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