Sur le budget 2024, le gouvernement prépare les esprits au recours au 49-3

Élisabeth Borne photographiée lors d’un déplacement à Rouen, le 31 août (illustration).
Élisabeth Borne photographiée lors d’un déplacement à Rouen, le 31 août (illustration).

POLITIQUE - Dimanche 26 mars 2023. Après un recours au 49-3 pour faire passer sa réforme des retraites, ce qui a embrasé la rue, Élisabeth Borne l’assure : le passage en force, c’est terminé. À un détail près : « la méthode que je fixe pour l’avenir, c’est : pas de 49-3 en dehors des textes financiers ». Car, comme à chaque rentrée, le gouvernement doit présenter son budget pour l’année à venir.

Soit, dans le jargon, un Projet de loin de finances (PLF) qui fixe le cadre des recettes et des dépenses et qui révèle en creux les priorités politiques de l’exécutif. Raison pour laquelle les oppositions ne votent habituellement jamais pour le budget du gouvernement, puisque cela reviendrait à cautionner certaines orientations contraires à leurs propres propositions.

Ce qui, dans un contexte de majorité relative, complique les plans de l’exécutif, puisqu’un gouvernement ne peut pas fonctionner sans budget. D’où la carte 49-3 que commence à agiter le gouvernement. Élisabeth Borne ne s’en est pas cachée ce dimanche 3 septembre, lors d’une interview à RTL.

« Certainement cet automne »

« Les oppositions considèrent - et c’est une tradition - que voter un budget, c’est dire son appartenance à une majorité. Donc les oppositions ne voudront pas dire leur appartenance à la majorité (...). Donc on aura à recourir, certainement cet automne, à des 49.3 parce que notre pays a besoin d’un budget », a déclaré la Première ministre. La veille, sur France inter, c’est le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, qui préparait les esprits. « Si à la fin il n’y a pas de majorité pour voter un projet de budget, la Constitution prévoit le 49-3 et on l’utilisera. On a besoin d’un budget, on le sait », a-t-il déclaré.

Si cette issue n’a rien d’une surprise dans l’état actuel des forces à l’Assemblée nationale, cette perspective quasiment automatique fait déjà grincer des dents. Dès l’annonce de Thomas Cazenave, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a dénoncé cette façon de gouverner, qu’il juge en contradiction avec la démarche des « rencontres de Saint-Deni» initiée par Emmanuel Macron.

« D’un côté la mise en scène de la recherche de consensus, de l’autre, retour à la désastreuse méthode du passage en force. Entre la communication et la réalité, les abîmes de la défiance, de la colère, du découragement, de l’abstention, du délitement de la cohésion sociale », a regretté sur X (ex-Twitter) le député de Seine-et-Marne, dénonçant un gouvernement « irresponsable ».

Même son de cloche côté insoumis. « La pente est prise, le gouvernement macroniste la dévalera jusqu’au bout. Ne jamais s’habituer aux dérives autoritaires. Il n’est pas normal de gouverner à coups de 49.3 contre l’intérêt du grand nombre », a déploré la députée LFI de l’Hérault Nathalie Oziol.

Un risque de censure pour Élisabeth Borne ?

Alors que la Première ministre a survécu à 17 motions de censure depuis sa nomination, le président LR du Sénat Gérard Larcher avait mis en garde mi-juin dans un entretien à l’AFP contre des « risques d’accidentologie » lors de l’examen du budget, évoquant une possible censure à l’Assemblée, qui pourrait cette fois être fatale à Élisabeth Borne, dans le cas où le projet de loi de finances se retrouve trop éloigné des exigences des députés LR, très à cheval sur le rétablissement des comptes publics.

« Si le budget n’est pas raisonné, il va y avoir un problème de crédibilité financière du pays », avait mis en garde le sénateur des Yvelines. Invité ce dimanche de l’émission Questions politiques (France inter, franceinfo, Le Monde), Gérard Larcher a relativisé cet avertissement. « Ma philosophie, c’est bien sûr de continuer à dialoguer avec le gouvernement », a-t-il assuré. De quoi sauver Élisabeth Borne ? Chez les députés LR, l’hypothèse d’une censure n’est en tout cas pas écartée à ce stade.

Vendredi 25 août, le député LR des Hauts-de-Seine Philippe Juvin (pourtant parfois décrit comme Macron-compatible) faisait savoir sur France inter que la Première ministre courrait le « risque majeur d’une motion de censure soutenue par les Républicains » si des efforts n’étaient pas observés dans la réduction de la dette. Avant de préciser que cet avertissement n’était pas « une menace ». Il est vrai que cela sonne davantage comme un chantage.

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