Bruxelles va rejeter le projet de budget français

La Commission européenne va probablement rejeter d'ici la fin du mois le projet de budget 2015 présenté par la France et demander qu'il soit modifié afin de respecter les engagements de Paris en matière de réduction des déficits, selon plusieurs sources de la zone euro. /Photo prise le 1er octobre 2014/REUTERS/Philippe Wojazer

par Jan Strupczewski BRUXELLES (Reuters) - La Commission européenne devrait rejeter d'ici la fin du mois le projet de budget 2015 présenté par la France et demander qu'il soit modifié pour respecter les engagements pris par Paris en matière de réduction des déficits, a-t-on appris de plusieurs sources de la zone euro. L'exécutif communautaire utiliserait ainsi pour la première fois les nouvelles prérogatives que lui ont accordées les Etats membres en 2013 en matière de contrôle des budgets nationaux. La Commission pourrait aussi faire passer la procédure disciplinaire engagée contre la France au dernier stade avant celui des sanctions, tout en accordant à Paris deux années supplémentaires pour ramener son déficit dans les limites imposées par les traités, ont précisé les sources. Ces décisions, dont certaines seront prises par la Commission sortante, celle de José Manuel Barroso, avant l'entrée en fonctions le mois prochain de l'équipe dirigée par Jean-Claude Juncker, permettraient d'accorder un répit aux autorités politiques françaises sans compromettre la crédibilité des règles budgétaires de l'UE, a expliqué un responsable impliqué dans le processus. Une telle solution serait en outre bienvenue pour Pierre Moscovici, le commissaire désigné par la France et censé prendre le portefeuille des Affaires économiques et monétaires dans la nouvelle commission, car elle prouverait qu'il ne fait bénéficier son pays d'origine d'aucun traitement de faveur, contrairement aux soupçons qui le visent au Parlement européen. Pierre Moscovici a été entendu jeudi dernier par les députés européens dans le cadre des auditions des commissaires désignés mais il a été prié d'adresser des réponses écrites au Parlement sur certaines questions délicates, parmi lesquelles la flexibilité qu'il est disposé à accorder aux pays qui enfreignent de manière répétée les règles budgétaires en vigueur. SAUVER LA FACE "Cela sauverait la face de tout le monde", a déclaré le responsable européen à propos des décisions envisagées par la Commission. "Même si c'est un peu humiliant pour la France, elle sait sans doute qu'elle ne peut pas s'en tirer sans dommage." "Et cela sauverait aussi la face de l'Allemagne et des autres, qui s'inquiètent des conséquences à long terme qu'aurait le fait de décrédibiliser les règles mais qui veulent aussi donner à la France et à son président impopulaire une chance de se battre", a-t-il ajouté. Pour l'heure, l'exécutif français refuse de se placer dans l'hypothèse d'un conflit avec Bruxelles. "Moi, je suis optimiste quant à notre capacité à convaincre la Commission", a déclaré Manuel Valls lors d'une intervention à Londres devant les milieux d'affaires britanniques, avant d'ajouter que la France ne pourrait en faire plus en matière de réduction budgétaires. Dans l'entourage de François Hollande, on assure que la France ne se place "pas du tout" dans l'hypothèse d'un rejet du projet de budget, en rappelant que le texte ne sera transmis à Bruxelles que le 15 octobre. "Des commentaires sont donc prématurés sur la question de savoir si la Commission européenne demandera une révision", ajoute-t-on. Dimanche, le ministre des Finances Michel Sapin avait balayé les spéculations sur la décision de la CE, estimant que "tout ce qui est dit aujourd'hui est dit en l'air". Le projet de loi de finances dévoilé la semaine dernière par Paris renonce à ramener le déficit à la limite européenne de 3% du produit intérieur brut (PIB) dès l'an prochain comme promis initialement après l'obtention d'un premier délai de deux ans. Le retour à 3% est désormais prévu fin 2017. Alors que le gouvernement Valls met ce report sur le compte de la faiblesse de la croissance, des responsables européens soulignent que Paris n'a pas non plus atteint ses objectifs en matière de déficit structurel, c'est à dire hors effets du cycle économique, signe selon eux que les mesures d'assainissement nécessaires n'ont toujours pas été prises. "Si la Commission conclut que la France, par miracle, a fait ce qu'il fallait en matière structurelle, alors le délai sera prolongé", a dit un autre responsable de la zone euro. (avec Elizabeth Pineau et Julien Ponthus à Paris, William James à Londres, Marc Angrand pour le service français)