Bruxelles s'apprête à envoyer à l'Ukraine des milliards provenant d'avoirs russes gelés
La Commission européenne a annoncé ce mercredi que l'UE entendait utiliser les avoirs russes gelés pour envoyer 3 milliards d'euros par an à l'Ukraine, les premiers fonds pouvant être versés dès le mois de juillet.
La Banque centrale russe détient environ 210 milliards d'euros dans l'UE, principalement auprès du dépositaire Euroclear, en Belgique, qui sont gelés depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Aujourd'hui, les autorités proposent d'utiliser les intérêts de ces actifs pour soutenir l'Ukraine, respectant ainsi une promesse de longue date qui a été retardée par les inquiétudes concernant les ramifications économiques et politiques plus larges de cette mesure sans précédent.
"Nous maintenons aujourd'hui la pression sur la Russie et la tenons pour responsable de son acte d'agression illégal, ainsi que des dommages et des souffrances considérables qu'il a causés", affirme le Commissaire européen, Valdis Dombrovskis, dans un communiqué.
Cette action a été coordonnée avec les partenaires du G7, qui comprend également le Royaume-Uni et les États-Unis, ajoute Valdis Dombrovskis.
En octobre, les dirigeants européens ont demandé à Bruxelles d'examiner comment utiliser les recettes supplémentaires de la Banque centrale pour soutenir l'Ukraine, sans enfreindre le droit communautaire ou international.
Les autorités estiment que, sous réserve de l'évolution des taux d'intérêt, cette mesure pourrait générer entre 2,5 et 3 milliards d'euros par an après impôts, Euroclear étant autorisé à conserver un pourcentage d'environ 13 % pour couvrir ses frais administratifs et sa responsabilité juridique.
Cette somme viendrait s'ajouter à l'accord de 5 milliards d'euros conclu la semaine dernière dans le cadre de la Facilité européenne de soutien à la paix (FES), et à la semaine où l'UE a accordé son premier financement relais de 4,5 milliards d'euros au titre de la Facilité pour l'Ukraine.
Mais cet argent arrive aussi alors que les conditions sur le champ de bataille en Ukraine deviennent de plus en plus difficiles et que le financement vital des États-Unis est retardé par des querelles au sein du Congrès.
S'exprimant ce mercredi à Bruxelles, le Premier ministre ukrainien Denys Shmyhal s'est félicité de la nouvelle proposition de l'UE, mais a déclaré que l'utilisation des intérêts n'était qu'une première étape.
"Nous insistons pour que tous les avoirs gelés soient confisqués ou utilisés d'une autre manière", a-t-il déclaré à la presse. "L'Europe et le monde ont besoin d'un précédent efficace pour faire payer à l'agresseur le prix fort de la destruction qu'il a causée en Ukraine".
Alors qu'il était initialement prévu de financer la reconstruction de l'Ukraine, 90 % des fonds débloqués par les plans d'aujourd'hui devraient transiter par la Facilité européenne de soutien à la paix, qui vise à fournir des munitions à l'Ukraine.
Cela pourrait refléter les préoccupations croissantes selon lesquelles l'Ukraine ne risque pas seulement d'être détruite, mais de perdre purement et simplement la guerre, ce qui aurait des conséquences importantes pour l'Union européenne.
"Si Poutine devait conquérir l'Ukraine, l'armée russe serait à nos frontières", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à la presse. "Nous pouvons être sûrs qu'elle ne s'arrêtera pas là".
Alors que les plans doivent encore être approuvés par les États membres de l'UE réunis au sein du Conseil, Josep Borrell a confié à Denys Shmyhal qu'il "espère que nous pourrons bientôt nous mettre d'accord et transformer les billets en armes, car vos soldats ne se battent pas avec des billets de banque".
Les responsables ne semblent pas préoccupés par les inquiétudes de la Banque centrale européenne, qui craint que cette décision n'ait des répercussions plus larges sur la crédibilité de l'euro en tant que monnaie de réserve mondiale
Jusqu'à présent, l'Union européenne a fait preuve de prudence, mais les autorités espèrent désormais que les premiers versements pourront avoir lieu dès le mois de juillet. Le premier paiement sera antidaté à février 2024, date à laquelle une nouvelle loi européenne a été adoptée, obligeant Euroclear à séparer les actifs russes.