Bruxelles s'émeut d'une réforme constitutionnelle en Pologne

Débat à la Diète polonaise sur un amendement constitutionnel qui modifie les règles de fonctionnement du Tribunal constitutionnel et que la Commission européenne a demandé au gouvernement du Premier ministre Beata Szydlo (à gauche) de reexaminer. /Photo prise le 23 décembre 2015/REUTERS/Przemek Wierzchowski/Agencja Gazeta

BERLIN (Reuters) - La Commission européenne a demandé au nouveau gouvernement polonais de différer l'application et de réexaminer un amendement constitutionnel qui modifie les règles de fonctionnement du Tribunal constitutionnel, rapporte le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Adoptée mardi par les députés de la Diète, que contrôlent les conservateurs du Parti droit et justice (PiS) depuis leur victoire aux élections législatives d'octobre, cette réforme, si elle est mise en oeuvre, contraindrait l'équivalent du Conseil constitutionnel à prendre la plupart de ses décisions à la majorité qualifiée des deux tiers de ses 15 membres. Elle impose en outre un quorum de 13 juges présents et pourrait forcer le président du Tribunal constitutionnel à inclure cinq juges qui ont été choisis par le Parlement au terme d'une procédure dénoncée dans la rue par l'opposition. Les manifestants, comme le Tribunal constitutionnel et les associations de défense des droits de l'homme, y voient une attaque contre le principe de séparation des pouvoirs. Lech Walesa, l'ex-président et leader historique du syndicat Solidarité, a estimé mercredi que la démocratie était en danger en Pologne. "Ce gouvernement, a-t-il dit, oeuvre à l'encontre de la Pologne, contre nos acquis, contre notre liberté et notre démocratie, sans parler du fait qu'il nous ridiculise aux yeux du monde entier." D'après le Süddeutsche Zeitung, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, s'en est ému par lettre auprès des ministres des Affaires étrangères et de la Justice, Witold Waszczykowski et Zbigniew Ziobro, leur rappelant les principes de l'Union européenne, à laquelle la Pologne appartient depuis 2004. "L'état de droit est l'une des valeurs communes sur lesquelles est fondée l'Union européenne", écrit-il dans cette lettre que le quotidien allemand publie dans son édition de jeudi. La Commission, poursuit le journal, va surveiller étroitement les développements en Pologne pour s'assurer que l'état de droit n'y est pas menacé. Ceci s'appliquera "par exemple si l'intégrité, la stabilité et le fonctionnement adéquat du tribunal constitutionnel national sont affaiblis". Dans un avis transmis la semaine dernière au Parlement, le Tribunal constitutionnel a protesté contre cet amendement, estimant qu'il visait à "entraver ou empêcher le Tribunal d'assumer ses tâches". L'amendement va à présent être examiné par le Sénat, la chambre haute du Parlement, que contrôle également le PiS. (Michelle Martin, avec Marcin Goettig à Varsovie, Henri-Pierre André pour le service français)