Le bronzage, cette invention récente

Sentir, pour quelques jours, le Soleil caresser sa peau, puis retourner à son quotidien le teint cuivré... Ce rituel estival risque de ne plus être de saison.

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°214 daté juillet/ septembre 2023.

Le bronzage est une invention récente. "Ce n’est qu’à partir du moment où l’on a créé des espaces de loisir que les choses ont changé", énonce Bernard Andrieu, philosophe à l’Université Paris-Descartes. Ce tournant date du début du 20e siècle. "Avant cette période, la démarche esthétique consistant à s’exposer au Soleil pour colorer sa peau n’existe pas", poursuit le philosophe. Pire, une peau hâlée est le stigmate du labeur et du travail en extérieur, celui du monde ouvrier et des classes inférieures. Par ailleurs, dénuder son corps représente un vrai scandale. Mais à partir des années 1920, la tendance s'inverse.

Coco Chanel affiche sa peau hâlée

Les classes laborieuses restent à l'abri du Soleil dans les usines tandis que les plus aisés se prélassent au Soleil. Coco Chanel lance la mode. De retour de la Côte d'Azur, elle affiche sa peau hâlée. Elle est rapidement imitée, d'abord dans les cercles aisés puis, avec l'instauration en 1936 des congés payés, c'est toute la société qui veut bronzer. Cependant, toutes les parties du corps n'ont pas vocation à être dorées.

"Il existe un corps public et un corps privé", précise Bernard Andrieu. L'histoire du maillot de bain le raconte : on quitte le costume de bain - comprenant bonnet et même chaussettes - du 19e siècle pour raccourcir les étoffes. Les stars et pin-up osent des maillots plus légers dès les années 1930, avant la mise en vente en 1946 de la première "bombe anatomique" : le bikini, en référence à l'atoll où se déroule l'essai de la bombe atomique. Si le maillot rétrécit, il traduit le déplacement de la frontière entre le privé et le public.

"Il faut avoir des marques pour établir la limite entre le social et l'intime", poursuit Bernard Andrieu. Il existe donc une dialectique entre la pudeur et le bronzage, signalée par l'endroit où s'arrête le corps public. Pour certains, la marque d'un string suffira[...]

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