Brexit: Londres assume des infractions éventuelles au droit international

BREXIT: LONDRES ASSUME DES INFRACTIONS ÉVENTUELLES AU DROIT INTERNATIONAL

par Michael Holden et Andy Bruce

LONDRES/DUBLIN (Reuters) - Le gouvernement britannique a marqué à sa manière mardi la reprise des discussions avec l'Union européenne en reconnaissant qu'il envisageait d'enfreindre "de manière limitée" le droit international, après les informations sur sa volonté de remettre en cause certains volets du traité de séparation conclu avec Bruxelles.

Ce regain de tension entre le Royaume-Uni et l'UE, qui fait courir le risque d'un échec des pourparlers à moins de six semaines de l'échéance, a déjà eu deux conséquences concrètes: la démission du principal conseiller juridique du gouvernement de Boris Johnson et la baisse continue de la livre sterling, qui a perdu près de 2% en deux jours face au dollar et 1,4% face à l'euro.

Le Royaume-Uni a quitté officiellement l'Union européenne le 31 janvier mais les deux parties tentent en vain depuis de définir le cadre de leurs nouvelles relations commerciales, des négociations qui doivent s'achever au plus tard mi-octobre, deux mois et demi avant la fin de la période de transition.

Alors que ses interlocuteurs européens continuent de s'interroger sur la stratégie choisie par Boris Johnson en tentant de faire la part du bluff, le gouvernement britannique a assuré qu'il respecterait le traité avec l'UE.

Mais, prié de dire si les futures règles étaient susceptibles d'enfreindre les engagements ou les accords internationaux du Royaume-Uni, le ministre chargé de l'Irlande du Nord, Brandon Lewis, a répondu: "Oui, cela enfreint le droit international de manière très spécifique et limitée."

"Il existe des précédents clairs lors desquels le Royaume-Uni et d'autres pays ont eu besoin de revoir leurs obligations internationales lorsque les circonstances changeaient."

L'accord sur le Brexit prévoit des dispositions spéciales pour l'Irlande du Nord afin d'éviter le rétablissement d'une frontière physique avec l'Irlande susceptible de réveiller les tensions politiques et communautaires sur l'île.

Boris Johnson entend toutefois faire en sorte que l'Irlande du Nord reste une partie intégrante de l'espace douanier du Royaume-Uni.

DISSENSIONS À LONDRES, AVERTISSEMENTS DANS L'UE

La volonté affichée du gouvernement de remettre partiellement en cause le traité avec l'UE a été critiquée y compris dans le camp conservateur: l'ex-Première ministre Theresa May a ainsi mis en garde contre le risque de voir souffrir la crédibilité du pays à l'international.

"Le gouvernement est maintenant en train de changer la mise en oeuvre de cet accord", a-t-elle dit au Parlement. "En faisant cela, comment le gouvernement peut-il rassurer ses futurs partenaires internationaux sur la fiabilité du Royaume-Uni en matière de respect des obligations juridiques des accords qu'il signe ?"

Le Financial Times a rapporté que le principal conseiller juridique du gouvernement, Jonathan Jones, avait quitté ses fonctions "très mécontent" pour protester contre les velléités de remise en cause des dispositions du traité de séparation concernant l'Irlande du Nord.

Dans le camp du Premier ministre, on continue de mettre en cause l'attitude des négociateurs de l'Union.

"Nous avons besoin que l'UE fasse preuve de plus de réalisme quant à notre statut de pays indépendant", a ainsi déclaré David Frost, le chef des négociateurs britanniques, ajoutant que Londres avait entamé les préparatifs d'un échec des discussions.

Les pourparlers, entrés mardi dans leur huitième étape, achoppent toujours sur les mêmes dossiers: les aides publiques et les zones de pêche, l'UE réclamant des clarifications à Londres en soulignant que la Grande-Bretagne ne peut pas à la fois fixer ses propres règles et bénéficier d'un accès privilégié au marché commun européen.

"Un Brexit désordonné ne serait pas bon pour l'Europe et serait un vrai désastre pour la Grande-Bretagne et ses citoyens", a déclaré à Reuters le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz.

Les dirigeants britanniques assurent qu'ils peuvent se contenter d'un arrangement dit "à l'australienne", c'est-à-dire de relations avec l'UE encadrées pour l'essentiel par les règles communes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

(Guy Faulconbridge, Andrew MacAskill, John Chalmers et Padraic Halpin, version française Diana Mandiá et Marc Angrand, édité par Blandine Hénault et Bertrand Boucey)