Bretagne: vers une reprise de la violence indépendantiste?

Des indépendantistes du Front de libération de la Bretagne (FLB) ont revendiqué dans un courrier six incendies et dégradations. Ils appellent à "passer à l'action" contre l'"État colonial français".

Les autorités doivent-elles se préparer à un retour de la violence indépendantiste en Bretagne? C'est en tout cas ce que laisse entendre un courrier envoyé par des militants du Front de libération de la Bretagne (FLB) à plusieurs médias dont France Bleu Breizh Izel et Le Télégramme depuis une semaine.

La lettre, marquée du symbole de cette organisation créée dans les années 60, revendique six "opérations de représailles depuis 2017" dans six communes de Bretagne, dont l'incendie d'une résidence secondaire appartenant à un préfet à Trébeurden (Finistère), en juin dernier. Le sujet est pris au sérieux, puisqu'une enquête a été ouverte par le parquet de Quimper et confiée à la police judiciaire, a appris France Bleu ce mercredi.

Mise en scène façon FLNC

Les auteurs du courrier écrivent que "rester vivre au pays n'a jamais été aussi difficile", et citent "la crise du logement" comme l'un "des nombreux aspects de l'emprise de l'Etat colonial français sur notre pays".

Les militants annoncent avoir "repris le combat pour le peuple breton". "Nous appelons tous les volontaires à nous rejoindre, à former des commandos, à passer à l'action", écrivent-ils.

La lettre est signée par trois personnes qui semblent avoir utilisé des noms d'emprunt : "Marie Guyader", "Pierre Chérué" et "Yann Ar Gov". Figure également la mention "Pour le Kuzul Meur", qui peut se traduire par "grand conseil" et fait référence au bureau politique historique de l'organisation.

Comme le montre Le Télégramme, le courrier de revendication est accompagné d'une photo montrant trois personnes cagoulées, masqués et gantés, assises à un bureau sur lequel est accroché un drapeau à l'effigie du FLB (une épée incrustée dans une hermine, symbole de la Bretagne). La mise en scène n'est pas sans rappeler celles du Front de libération nationale corse (FLNC).

Une série d'attentats jusque dans les années 80

Très actif jusqu’au début des années 80, le FLB est à l'origine de nombreux incendies de résidences secondaires et autres plasticages de bâtiments publics. L'attaque à la bombe du château de Versailles, en 1978, marque l'opinion publique mais constitue aussi un pic pour l'organisation.

"Le grand procès qui suit l'attentat de Versailles et l'amnistie de 19 militants par François Mitterrand en 1981 vont conduire à un affaissement du nationalisme breton et une marginalisation du FLB", explique à BFMTV.com Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'Université Paris II Panthéon-Assas et spécialiste du phénomène régionaliste.

Des attentats indépendantistes vont continuer à se produire dans les années 90, mais de manière plus sporadique et sans signature du FLB. Celui contre la cité judiciaire de Rennes, en 1996, est revendiqué par une "Armée révolutionnaire bretonne" (ARB). En 2000, l'explosion d'un McDonald's à Quévert (Côtes-d'Armor), tuant une jeune employée sur le coup, n'est pas revendiquée. Attribué aux indépendantistes, l'attentat serait la seule action meurtrière du mouvement.

Exemple corse

Le FLB, qui n'a plus fait parler de lui qu'à travers quelques tags, semble refaire surface à partir de 2022. La presse bretonne (Bretons, Ouest-France) reçoit plusieurs courriers revendiquant des attaques "contre des résidences secondaires" ou encore "des profiteurs de l’industrie touristique".

"L'exemple corse a sans doute fait des émules", avance Benjamin Morel, auteur de La France en Miettes. Régionalismes, l'autre séparatisme (Ed. du Cerf, 2023). Alors que Gérald Darmanin s'est dit prêt "à aller jusqu'à l'autonomie" de l'île, "certains activistes bretons ont pu en conclure que la lutte armée permet de se faire entendre par les politiques", avance le chercheur.

Le vote, en avril 2022, d'un "vœu" plaidant pour "l’autonomie de la Bretagne" par le conseil régional de Bretagne a aussi pu donner des ailes aux indépendantistes les plus radicaux, selon l'universitaire.

Le FLB de retour?

Peut-on toutefois dire que le FLB est bel est bien de retour? "En tout cas, pas dans une forme structurée, avec un réseau organisé de clandestins comme c’était le cas à une époque", expliquait l'an dernier à Ouest-France Erwan Chartier, rédacteur en chef du journal finistérien Le Poher et spécialiste de l'indépendantisme breton.

Auteur de plusieurs livres sur le FLB-ARB, il explique au Télégramme avoir "l’impression" que les récentes revendications sont le fait de "quelques individus isolés". "En plus, nous n'avons pas connaissance d'un mouvement légal pour relayer ces revendications. Reproduire le logo du FLB, avec l'hermine et le glaive, est assez facile", juge-t-il.

L'enquête ouverte par le parquet de Quimper doit déterminer s'il s'agit de revendications d'opportunité ou si le FLB est bien à l'origine des dégradations évoquées dans le courrier.

Article original publié sur BFMTV.com

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