Bretagne: le maître de la BD Enki Bilal expose ses œuvres à Landerneau

Une œuvre d'Enki Bilal - FHEL
Une œuvre d'Enki Bilal - FHEL

Entre réalisme et fantastique, l'univers humaniste et sombre du dessinateur, scénariste et réalisateur Enki Bilal se dévoile à compter de ce samedi 18 juillet au Fonds Hélène et Édouard Leclerc (FHEL) de Landerneau (Finistère) avec plus de 250 œuvres dont certaines inédites.

Dessins, peintures, films et écrits sont présentés depuis ses débuts dans la bande dessinée, dès les années 1970, jusqu'à ses œuvres les plus récentes et, pour certaines inédites, comme la série que l'artiste, né en 1951 à Belgrade, prépare en écho avec le célèbre tableau de Picasso, Guernica.

"C'est un auteur de bande dessinée, mais très vite il va élargir son horizon et ses moyens d'expression", explique Serge Lemoine, commissaire de l'exposition qui prendra fin le 4 janvier.

Tout ça est au service d'une pensée, au service d'une vision du monde" qu'il a exprimé "très tôt" autour de grands thèmes dont celui, majeur, de la violence, de la guerre, des massacres, du terrorisme..., poursuit l'ancien directeur du musée d'Orsay. "Ce faisant il ne fait pas autre chose que ce que faisait Goya à son époque", souligne l'expert, citant le peintre espagnol du XVIIIe siècle.

Les mises en relation tout au long de l'exposition, avec des œuvres de toutes les époques, témoignent ainsi de ces mêmes préoccupations: la monstruosité chez le peintre néerlandais Jérôme Bosch et le photographe américain Joël-Peter Witkin, le machinisme chez le graveur lorrain Jacques Callot ou l'horreur de la guerre chez Francisco Goya.

L'estampe du peintre espagnol Enterrar y callar (Enterrer les morts et se taire) figure ainsi à côté de la couverture de la jaquette du roman de Dan Franck Nu Couché qu'Enki Bilal a illustré. "Je ne pensais pas qu'un jour je serais exposé à coté de Goya", sourit l'artiste vêtu de sombre comme à son habitude.

"Devoir de mémoire"

"J'essaie de montrer ce qui me fascine dans le monde", explique-t-il plus sérieusement à l'AFP. "Je fais partie des privilégiés qui n'ont pas connu" la Seconde guerre mondiale, la Shoah, la guerre au Rwanda... "mais en même temps on ne peut pas ignorer" tout cela, estime-t-il, regrettant "l'absence totale de devoir de mémoire" de nos jours, qui fait que la violence "s'installe comme une espèce de norme". "Et à chaque fois ça recommence", note-t-il avec pessimisme.

La violence, mais aussi la géopolitique, la métamorphose et, au bout du parcours, l'amour, comme une "pause", sont quelques uns des thèmes présentés. "Les thèmes qu'il aborde sont ceux qui font débat dans notre société", note Michel-Édouard Leclerc, à la tête du Fonds du nom de ses parents, pionniers de la grande distribution. "C'est un artiste majeur qu'il fallait ne pas montrer cantonné à la bande dessinée", juge-t-il.

Au niveau de la scénographie, l'exposition permet d'appréhender l'univers de l'artiste au plus près de sa pensée. "L'idée est de voyager, d'entrer dans la tête d'Enki Bilal", assure le scénographe Jean-Julien Simonot. "Chaque espace peut s'apparenter à un lobe du cerveau d'Enki Bilal", assure-t-il.

Enki Bilal, arrivé en France à l'âge de dix ans, est l'auteur de nombreux albums dont Les Phalanges de l'Ordre noir, La Foire aux Immortels, Froid Equateur ou plus récemment la série Bug encore en cours.

En tant que peintre, il expose régulièrement, notamment au musée du Louvre à Paris, mais aussi à travers le monde. Il est aussi à l'origine de trois longs-métrages: Bunker Palace Hôtel, Tykho Moon et Immortel (ad vitam), dont des extraits sont présentés sur grand écran au FHEL. Il a également fait des incursions dans le théâtre.

Article original publié sur BFMTV.com