“Le Brésil n’est pas un pays sérieux !”

Si vous êtes un Français résidant au Brésil, il y aura certainement un jour où un interlocuteur brésilien vous rappellera cette phrase attribuée au général de Gaulle : “Le Brésil n’est pas un pays sérieux !” Avec souvent une pointe d’amertume et de déception pour cette vision négative de la France sur son propre pays : “Les Français ne nous prennent donc pas au sérieux ; ils nous considéreraient presque comme une République bananière folklorique.”

La guerre de la langouste

D’abord, il faut savoir que le général de Gaulle n’a jamais dit ça du Brésil ! On est en pleine équivoque. Cette légende a la peau bien dure. Pourtant celui qui l’a dénoncée n’est autre que celui qui a effectivement prononcé cette phrase : l’ambassadeur du Brésil en France dans les années 1960.

La scène se passe en 1962 : la France et le Brésil sont en pleine guerre de la langouste ! Le gouvernement brésilien reproche aux pêcheurs français d’aller piller les eaux nordestines de leurs délicieuses langoustes : il y envoie même sa marine militaire.

L’ambassadeur du Brésil en France a une entrevue avec le président de la République française d’alors, le général de Gaulle, pour régler rapidement et à l’amiable ce différend mineur entre deux pays amis, quelque peu monté en épingle du côté brésilien.

Le soir de cette rencontre, il croise l’un de ses amis, journaliste brésilien, à qui il raconte l’entrevue. De son côté, celui-ci lui fait part des réactions brésiliennes sur le sujet et notamment d’une samba connue, détournée ironiquement en “samba de la langouste”. C’est là que l’ambassadeur dit : “Décidément ce pays n’est pas sérieux.”

Le journaliste reprendra la remarque dans son article sans en préciser l’auteur : le malentendu était né ! L’ambassadeur s’indignera : “Mais jamais le Général n’aurait pu dire une chose pareille d’un pays ami !” Trop tard…

Alors, pas sérieux, vraiment ?

L’expression fera florès au Brésil, surtout parmi les intellectuels et les journalistes. Elle sera mise à toutes les sauces. Je soupçonne même certains de mes amis brésiliens d’être d’habiles et de gentils manipulateurs. Eux aussi pensent sincèrement que leur pays n’est pas toujours bien sérieux et l’actualité leur en donne des exemples tous les jours. Mais il est parfois difficile de le dire ouvertement, sans craindre de froisser l’orgueil national. C’est alors plus commode de l’attribuer à une sommité internationale incontestable : “Car, comme le disait le général de Gaulle…”

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