Brésil: le cacique Raoni dénonce Bolsonaro devant la CPI pour "crimes contre l'humanité"

Le cacique brésilien Raoni Metuktire après une conférence de presse le 15 janvier 2020, dans son village de Piaracu dans l'Etat du Mato Grosso au Brésil - CARL DE SOUZA © 2019 AFP
Le cacique brésilien Raoni Metuktire après une conférence de presse le 15 janvier 2020, dans son village de Piaracu dans l'Etat du Mato Grosso au Brésil - CARL DE SOUZA © 2019 AFP

Le cacique Raoni Matuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, demande, aux côtés d'Almir Surui, chef des Paiter-Surui, à la Cour pénale internationale (CPI) d'enquêter pour "crimes contre l'humanité" contre le président brésilien Jair Bolsonaro, accusé de "persécuter" les peuples autochtones en détruisant leur habitat et bafouant leurs droits fondamentaux rapportent Le Monde et l'Agence France-Presse (AFP) ce samedi.

Les plaignants estiment que la politique menée par le chef d'État brésilien conduit à des "meurtres", des "transferts forcés de population" et des "persécutions", constitutifs de "crimes contre l'humanité" tels que définis par le Statut de Rome de la CPI.

"Lever tous les obstacles pour piller les richesses de l'Amazonie"

Cette plainte d'une cinquantaine de pages, rédigée par l'avocat français William Bourdon, rassemble les accusations portées par des dizaines d'ONG, des institutions internationales et par des scientifiques spécialistes du climat: suspension du démarquage des territoires autochtones, projet de loi pour ouvrir les zones protégées à l'exploitation minière et agricole, budget restreint des agences environnementales reprises en main par les militaires, meurtres impunis de sept chefs autochtones en 2019, etc.

"Depuis son investiture (en janvier 2019, NDLR), la destruction de la forêt amazonienne s'est accélérée sans commune mesure: augmentation de la déforestation de 34,5% en un an, taux d'assassinat de leaders autochtones le plus élevé depuis ces onze dernières années, effondrement et menaces des agences environnementales...", résume la plainte du chef du peuple Kayapo et du cacique Almi Surui, dévoilée samedi par le quotidien mais aussi consultée par l'AFP.

"Cette situation, la plus dramatique sur ces dix dernières années, résulte directement de la politique d'État développée par le gouvernement de Jair Bolsonaro", qui vise à "lever tous les obstacles pour piller les richesses de l'Amazonie", poursuit la plainte qui cible aussi plusieurs ministres.

L'empiètement sur les terres autochtones

Le président Jair Bolsonaro a, à de nombreuses reprises depuis le début de son mandat, exprimé sa volonté d'exploiter les terres autochtones, souligne l'ONG Survival International, qui milite pour la protection des populations indigènes, et parle de "génocide" en cours sur ces peuples. En juillet 2019, l'ONU avait déjà condamné le meurtre d'Emrya Waiapi, chef de la tribu des Waiapi, par des mineurs.

"C'est un symptôme inquiétant du problème croissant de l'empiètement sur les terres autochtones - en particulier les forêts - par les mineurs, les bûcherons et les agriculteurs au Brésil", avait alors déclaré Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Côté environnement, les chiffres montrent que les incendies de forêt atteignent des records ces derniers mois, et sont au plus haut depuis dix ans. Une destruction de la forêt amazonienne", indispensable à la régulation du climat, "constituerait un danger direct non seulement pour les Brésiliens mais également pour toute l'humanité", souligne la plainte.

La plainte entre les mains de la CPI

En juillet 2020, des membres du personnel de santé au Brésil ont aussi demandé une enquête à la CPI pour "crime contre l'humanité" contre Bolsonaro, cette fois pour sa gestion de la pandémie de Covid-19. Un mois plus tôt, dans un entretien à l'AFP, le chef Raoni avait accusé le président d'extrême-droite brésilien de vouloir "profiter" de la pandémie pour éliminer son peuple.

Dans la plainte, l'avocat français William Bourdon, engagé par Raoni Metuktire, demande à la procureure d’ouvrir une enquête, précise Le Monde. La CPI devra désormais examiner cette demande, mais n'est pas tenue d'y accéder.

Article original publié sur BFMTV.com